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Deux années à oublier…

Deux années à oublier…

2020-2022 aura été, malgré tout, une courte période qui nous a semblé interminable, et qui a cristallisé tous les maux de la société marocaine

 

 
Quelle drôle d’époque ! Quelle terrible crise ! Et ce n’est pas fini.  2020-2022 aura été, malgré tout, une courte période qui nous a semblé interminable, et qui a cristallisé tous les maux de la société marocaine. Crise économique sans fin, vie politique en dents de scie, vide politique entre flottements et hésitations, menaces du voisin algérien, attaques combinées de la part de certains pays de l’Union européenne comme l’Allemagne, la France et l’Espagne, chômage, précarité, violences urbaines, mal-être social, peurs et angoisses et autres intempéries causées par la pandémie dont on ne voit toujours pas le bout.

Bref, les Marocains ont dû faire contre mauvaise fortune un cœur d’acier pour ne pas tomber raides à cause d’un infarctus inattendu, foudroyés par le manque, par l’invisibilité, par le désespoir et par la frustration.

Reste que quoi qu’on en dise, la morosité ambiante a gagné beaucoup de terrain durant ces deux dernières années. Partout, les gens se plaignent et accusent sérieusement le coup.  Le fric, le nerf de la guerre, manque cruellement. Enfin, il manque aux pauvres, qui sont devenus encore plus nécessiteux. Quant aux riches, certains, pour ne pas dire la majorité, ont serré la ceinture, ils ont levé le pied des affaires pour voir de quoi il en retourne avant d’aller plus avant. On ne sait jamais, des fois que la crise s’éternise, mieux vaut ne pas trop se découvrir. C’est que chez les gens fortunés, il y a une ligne de conduite infaillible : quand le climat est au beau fixe, on fait des emplettes. Quand les intempéries menacent, on se terre… «Wait and See», comme disait un économiste anglais.

Et ce n’est pas tout. Un ami qui travaille dans un tribunal m’a même dit que durant cette période de pandémie, il a vu de nombreux couples divorcer, plus que d’habitude. Encore des dégâts collatéraux de la crise et du manque de pognon. Car là aussi, il ne faut pas se leurrer, en mariage comme en tout du reste, tant qu’il y a de l’oseille, ça va. Quand les billets viennent à manquer, ta femme peut te quitter ou alors c’est toi-même qui comprends qu’il faut que tu partes. Ce qui revient au même.

Face à la crise, d’autres personnes ont décidé de quitter le pays. Ils pensent qu’ailleurs, les choses vont aller mieux. Pas du tout. C’est même pire ailleurs. Les immigrés en savent quelque chose, eux qui souffrent depuis plusieurs années dans une Europe aux abois. Là encore un ami, économiste, cette fois, m’a dit que seuls les riches peuvent changer d’air facilement en allant bronzer sous d’autres cieux. Crise ou pas, quand on a des thunes, on grille la vie par les deux bouts. C’est même, selon une étude américaine, une bonne thérapie pour faire passer le temps… de la crise. 

Quoi qu’il en soit, ici au Maroc, on en a bavé, ces deux dernières années. On a tellement tiré la langue qu’on a fini déshydratés. Certains ont trouvé le salut dans des lubrifiants mondains, histoire de se réhydrater. D’autres ont tenu bon. Là, je ne sais pas comment, mais beaucoup de Marocains, presque la majorité écrasante, n’a même pas dit «Aïe ».

Rien. On a mal, on accuse le coup, on serre le ventre, on crie à l’intérieur et on attend que Dieu nous vienne en aide. C’est peut-être là la meilleure thérapie : s’en remettre à Dieu à défaut de compter sur les humains. Amen.

Par Abdelhak Najib, écrivain-journaliste

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