Les ravages des drogues au Maroc, comme ailleurs dans le monde, dépassent l’imaginable. La dévastation va au-delà de ce que le cerveau humain peut concevoir face à l’horreur, et à cette tragédie qui peut mener à des actes extrêmes.
Par Abdelhak Najib
Aujourd’hui, au Maroc, nous avons aussi notre lot de jeunes élèves qui se donnent la mort pour en finir avec ce cercle infernal dans lequel ils se sont laissés prendre. Au-delà des difficultés face à des cours scolaires de plus en plus lourds, au-delà des pressions des parents qui demandent des résultats, au-delà des humiliations de la part de certains professeurs qui peuvent mener la vie dure aux jeunes, au-delà des dérives comportementales des autres élèves qui se harcèlent entre eux, il y a ce terrible fléau des drogues qui a envahi de nombreux établissements scolaires. Des dealers sont postés à la sortie des collèges et des lycées pour fourguer leur camelote à des jeunes souvent dépassés par les événements et pris dans les méandres d’une société qui a du mal à s’avouer que les drogues sont en train de la ronger jusqu’aux os.
Certains considèrent ce type d’errance et de perdition comme de simples manifestations de la délinquance juvénile et d’autres tracas vécus durant cette trouble et dangereuse phase de la vie que l’on nomme : l’adolescence. Mais les dangers liés aux drogues sont beaucoup plus complexes et méritent des réactions en urgence, surtout face au désarroi et au désespoir des jeunes qui peuvent les conduire au suicide.
Nous avons tous, présent à l’esprit, la tragique histoire de ces trois suicides au sein d’un même établissement scolaire sur une longue période. D’autres cas viennent allonger cette macabre liste, toujours avec l’usage de drogues comme facteur déclencheur, comme l’affirment plusieurs psychiatres et addictologues. C’est exactement le cas de Aziz, 16 ans. L’affaire est passée inaperçue, mais là encore, pour ce gosse, qui a touché au crack et aux ballons d’azote, avec des joints pour agrémenter ce cocktail dévastateur, la vie est devenue un cauchemar à ciel ouvert. Souffrance sans répit, douleurs intenses, épisodes de manque, colère, fugues, vols à répétition pour payer son dealer, abandon scolaire… Les problèmes s’amoncellent et les difficultés deviennent inextricables, à telle enseigne que Aziz ne savait plus comment s’en sortir. Il perd le sommeil, il rôde la nuit comme un zombie et tombe raide pendant des heures comme dans un coma avant de reprendre conscience et de courir vers son dealer. Sauf que cette routine infernale devient de plus en plus terrible. Aziz perd pied et sombre dans un abîme avant d’en finir en avalant des cachets.
Pour les parents, la situation est intenable, mais ils sont démunis face à un tel fléau. Ils ont fait de leur mieux, sans pouvoir sauver leur enfant : «Le grand danger, c’est la drogue. Tout circule dans les rues et devant plusieurs établissements scolaires. C’est là que mon enfant a été piégé la première fois. C’est là qu’il faut sévir. Vendre du haschich à des gamins et parfois pire, de la cocaïne et de l’ecstasy, il faut être sans pitié avec ces assassins de nos enfants, il faut les condamner à mort», crie cette maman face au drame qu’elle vient de vivre. On comprend cette colère et cette envie de clouer au pilori tous ces criminels qui gagnent de l’argent au détriment de la vie des enfants. Mais il faut aussi dire que certains parents, devenus de plus en plus démissionnaires, doivent être plus vigilants et faire très attention à ce qui se passe dans la vie de leurs enfants. Les laisser faire et livrés à eux-mêmes n’est pas du tout une manière de les élever et de leur inculquer des valeurs solides :
«Ce sont les parents et le cercle familial qui peuvent encore sauver les enfants. C’est à ce niveau qu’il faut faire le maximum d’efforts. Il faut parler à nos enfants et non pas les frapper, les punir et les priver de tout ce qui leur fait plaisir. Parce qu’au-delà du stress des cours, de la compétition féroce en classe et entre élèves pour des raisons multiples, il y a aussi toutes les attentes des parents qui peuvent parfois jouer de mauvais tours aux jeunes. C’est pour cette raison que je pense qu’il faut y aller doucement avec les petits. Il faut qu’ils travaillent bien à l’école, mais il faut aussi les laisser se défouler, jouer, se divertir pour respirer. Il faut garder un œil sur eux et éviter la permissivité et le laisser-aller», précise cette spécialiste à Casablanca.
Le père de Aziz, de son côté, reste convaincu que certaines écoles ne font pas leur boulot et que seul le gain leur importe. Il se lance dans un discours virulent sur l’absence d’encadrement, le manque de rapports psychologiques sains et responsables avec les petits, d’une bonne pédagogie. Et sans oublier de jeter la pierre à tous ces «malades de professeurs qui harcèlent les filles, frappent les enfants et leur font peur, les poussant dans les griffes de tous les criminels qui leur promettent du bonheur à la carte. Nous faisons ce que nous pouvons à la maison, mais à l’école et dans la rue, qui protège nos enfants ?».