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Parier sur tout, parier sur sa vie !

Parier sur tout, parier sur sa vie !

Toutes les études scientifiques de ces 50 dernières années l’affirment avec des données solides et des recherches très précises : le jeu pathologique est une addiction comportementale très sévère. Une pathologie souvent prise à la légère et peu connue du grand public, et plus tolérée par les masses que l’alcool ou autres substances chimiques.

 

Par Docteur Imane Kendili, Psychiatre et addictologue

Pourtant, le jeu pathologique est une grave addiction qui décime la vie de celui qui en souffre et celle de son entourage.

Le «Kemar» est pris en pitié, infantilisé ou dénigré, mais accepté. Ceci prend racine dans la personnalité du joueur même qui est à décrire et à comprendre.
Le joueur a une histoire commune avec ses semblables et des traits communs.

On retrouve souvent un homme aîné ou dernier de fratrie adulé par sa mère, assisté et sacralisé avec façonnement d’un cerveau dépendant dès l’enfance.


La réponse à l’oralité par la mère de l’addict, mère biologique ou symbolique, passe par l’intolérance à la frustration, le non apprentissage du non et le plaisir immédiat.


Le jeu pathologique fait des ravages au Maroc aujourd’hui (on parle de 2,8% de la population,) mais reste en deçà des réalités de certains pays voisins, notamment européens puisque bien documentés.


L’écrit du journaliste écrivain Abdelhak Najib est bien à propos; il décrit de manière incisive les jeux de paris ou de grattage à coups de chiens, de chevaux ou de tirages au sort chiffrés.


Cependant, bien que cela interpelle et inquiète, nous ne sommes qu’à l’orée de l’ère du jeu qui fait suite à la suprématie du «je», de l’individualisme moderne nourri par des mères-sacrifices traditionnelles ou des mères ultra-modernes à la permissivité maladive.

Le résultat est le même.
Un mâle tout-puissant en fusion pour une meilleure scission d’une âme déjouée.


Je le répète, il est certain que l’évolution se fait et se fera vers une augmentation du jeu pathologique sous ses différentes formes, car aujourd’hui tout est fait pour jouer dans son canapé : tout se joue en ligne !


Internet a permis de tout faciliter et même plus : l’univers connecté a permis d’intégrer des enfants et des adolescents au monde du jeu pathologique.


Je cite Ricardo Tejeiro Salguero, qui nous souligne que les jeux vidéo chez l’enfant et l’adolescent sont la correspondance directe aux jeux d’argent ou jeu pathologique.
Les preuves scientifiques sont claires et palpables.

Les IRM fonctionnelles des cerveaux d’addicts indiquent une correspondance entre les signaux cérébraux d’un cerveau de cocaïnomane et un cerveau de joueur pathologique.

De même pour les adolescents joueurs. Nous sommes dans le système de récompense et les mêmes structures cérébrales impliquées avec les mêmes niveaux de dopamine et de réponse cérébrale objectivée.


Ces constats sont très importants, car l’usage des smartphones et des tablettes chez les enfants dès leur plus jeune âge implique des fragilités qui peuvent mener aux addictions comportementales et au jeu pathologique.


Un enfant qui joue en ligne comme un chef doit inquiéter, ce n’est en aucun cas un enfant intelligent en ligne avec son temps.

La prévention et la réduction des risques passe par le média également, car l’éducation est le maître mot du travail de la société civile et des spécialistes, d’autant plus que nous n’avons à ce jour aucune structure spécialisée dans le jeu pathologique.


Devant l’absence de moyens de prise en charge, sachant que les joueurs pathologiques finissent criblés de dettes ou en prison, comment soigner ces patients, puisque les addictions comportementales ne sont pas considérées chez nous comme une maladie et que les organismes d’assurances ou mutuelles ne les prennent pas en charge (les addictions avec substances non plus d’ailleurs) ?


Comment les intégrer dans un processus de soins alors qu’en général ils sont au bout du rouleau et sans emploi, tributaires d’un membre de la famille, si tout le monde n’a pas fui ? Nous allons droit dans le mur. En pleine conscience.

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