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Radioscopie des cartels de drogues en Afrique

Radioscopie des cartels de drogues en Afrique

Quand on se penche sur les différents rapports émanant de sources gouvernementales ou onusiennes, les chiffres qui tracent, année après année, le trafic de drogues en Afrique font froid dans le dos.

Depuis plus de 15 ans, d’abord l’Afrique de l’Ouest et le Sahel tiennent le haut du pavé de tous les trafics dans la région, avec des saisies records (voir encadré), une augmentation fulgurante du nombre de consommateurs et de toxicomanes, dans une multiplication des connections entre le crime organisé local et les mafias du monde entier, qui ont trouvé en Afrique un grand marché et une plateforme de distribution pour le reste des autres continents. 

En effet, quand on parcourt les pages du dernier rapport mondial de l’ONUDC sur les drogues 2023 Afrique de l’Ouest et du Centre, qui a été publié à Niamey, au Niger, on réalise l’ampleur du trafic en cours dans toute cette zone poreuse du continent.

863 kg de cocaïne, 36 tonnes de cannabis et 23 tonnes de résine de cannabis ont été saisis sur les six premiers mois de 2023. Un record qui vient confirmer la tendance notée depuis plus d’une décennie, avec chaque année de grandes quantités qui transitent par le Sahel vers le Sud du continent ou alors vers l’Europe via des réseaux logistiques bien organisés.

C’est dans ce sens qu’en 2030, la consommation de la drogue va augmenter de 45% en Afrique pour consacrer un état de fait déjà extrêmement alarmant causant de grands bouleversements et occasionnant des dégâts humains sans pareil.

Cette situation, de plus en plus grave, est notable quand on analyse les propos du représentant régional de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime, ONUDC, qui affirme, preuves à l’appui, que de 13 kg de cocaïne saisis en 2015, l'Afrique de l'Ouest est passée à 863 kg de cocaïne saisis en 2023. Ce qui constitue une augmentation de plus de 500%.

Du jamais vu, même pas en Amérique du Sud, avec la prospérité des cartels locaux entre le Panama et la Colombie. Selon le docteur Amado Philips, l'Afrique du Nord est la plaque tournante du trafic de la résine de cannabis et de la cocaïne. Le spécialiste onusien souligne que cette drogue est la plus consommée en Afrique et au Maghreb, ce qui explique que plus de 300 tonnes de cocaïne transitent chaque année en Afrique de l'Ouest et au Sahel.

Dans ce sens, le docteur Philips précise que la consommation des drogues dans cette région est une véritable pandémie qu’il compare au Covid-19. Pour lui, «Les troubles liés à l'usage de la drogue ont également augmenté de 45%. La consommation de cannabis et d'opioïdes en Afrique de l'Ouest et en Afrique centrale est supérieure aux moyennes mondiales. Près de 10% des 15/64 ans ont consommé du cannabis sur le continent en 2021 contre une moyenne de près de 4,5% au niveau mondial». 

Selon l'ONUDC, une grande partie des personnes traitées pour des troubles liés à la consommation de drogue en Afrique sont jeunes : 70% ont moins de 35 ans. La plupart consomment cannabis ou opioïdes. Le spécialiste ajoute que nous sommes là face à «des consommations qui ont des conséquences croissantes, tant sur le plan psychosocial, qu'économique et sanitaire».

Cette situation très grave pousse les Nations unies à tirer la sonnette d’alarme en soulignant le fait que l'Afrique, qui a longtemps été considérée comme une simple zone de transit, est aujourd’hui une place forte de tous les trafics de drogues «contribuant ainsi à l'invisibilisation des usagers de drogues. Il faut accentuer la prévention et l'accès aux soins, pour ne laisser personne de côté et pour ne pas favoriser de nouveaux marchés pour les trafiquants». 

À un autre niveau, ce trafic de plus en plus grand favorise l’apparition de véritables scissions sociales et de conflits régionaux alimentés par l’argent de la drogue. Pour le ministre nigérien de l'Intérieur, Hamadou Adamou Souley : «le trafic de drogue alimente l'insécurité au Sahel. Ce trafic procure d'énormes ressources financières aux groupes armés non étatiques». Ce qui favorise la prospérité de ce type de bandes armées dans une zone immense comme le Sahel, une région tampon entre l’Afrique du Nord et le reste du continent.

Abdelhak Najib
Écrivain-journaliste 

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