La crise sanitaire du Covid-19 qu’a connue le Maroc, à l’instar de tous les pays à travers le monde, a mis en évidence l’importance que revêt la médecine de famille pour faciliter l’accessibilité aux soins et services de santé. Malgré son efficience mondialement reconnue, la culture de médecine de famille demeure presque inexistante au Maroc.
Établie en 1978, la Déclaration d'Alma-Ata de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a identifié les soins de santé primaires comme étant «la clé de la réduction des inégalités en matière de santé entre les pays et en leur sein». Aussi appelée médecine de proximité ou encore médecine de premier recours, la médecine de famille a été définie par l’Organisation mondiale des médecins généralistes (WONCA) comme étant «une spécialité clinique orientée vers les soins primaires». Assurant un parcours de soins coordonnés, cette spécialité clinique utilise de façon efficace les ressources humaines et matérielles du système de santé, d’où vient la nécessité de la valoriser et la rehausser.
D’après Dr. Tayeb Hamdi, médecin, chercheur en systèmes et politiques de santé et vice-président de la Fédération nationale de la santé, la médecine de famille est le premier contact entre le patient et le système de santé. «C’est une spécialité médicale focalisée sur les soins primaires. Il s’agit d’une médecine globale et continue puisqu’elle s’intéresse à tous les problèmes de santé, indépendamment de l’âge, du sexe, ou de toute autres caractéristiques de la personne concernée. Alors que la médecine spécialisée se base sur une approche verticale, puisque chaque organe a un spécialiste, la médecine de famille est une approche transversale, horizontaliste qui traite le patient dans toutes ses dimensions; individuelle, familiale et communautaire.»
Et de poursuivre : «Le but de la médecine de famille est de prendre en charge le patient avant même la maladie. Le médecin de famille ne doit pas attendre que le patient vienne le voir, c’est lui qui le convoque pour la vaccination, pour lui donner les conseils nécessaires, faire le suivi pendant toute une vie, l’adresser, si besoin, à un spécialiste qui l’accompagne, faire la coordination de son dossier médical, faire la liaison entre sa maladie, celles des membres de sa famille et les maladies dominantes dans sa communauté».
En prenant en considération les résultats «très encourageants» au niveau international, l’exécutif a affirmé dans son programme gouvernemental 2021 – 2026, adopté le 13 octobre dernier au parlement, son ambition de généraliser graduellement la médecine de famille et de renforcer les centres de santé primaires. Soulignant que cette spécialité va permettre de garantir la cohésion sociale de la famille, d’incarner la politique de proximité et d’alléger la pression que subissent les hôpitaux, le gouvernement Akhannouch prévoit d’assurer, au cours de ces cinq prochaines années, un médecin de famille pour chaque 300 à 400 familles.
Selon des chiffres dévoilés par le ministre de la Santé Khalid Aït Taleb, seuls 50 médecins de famille ont obtenu leur diplôme en 2020, 26 en 2018 et 44 en 2017. De ce fait, le Maroc est donc loin de suivre la recommandation du «Health Project de l’OCDE» qui stipule qu’un système de santé centré sur la médecine de proximité devrait disposer d’un médecin de famille pour 1.000 habitants. En effet, ce faible effectif s’explique principalement par la quasi-inexistence de cette spécialité dans les Facultés de médecine et de pharmacie du Royaume.
«C’est important de former des médecins de famille et d’améliorer les structures où on exerce cette profession, à savoir les centres de santé et les cabinets de ville. Il faut faire évoluer cette offre de soins notamment en formant plus de médecins de famille. Pour cela, il est nécessaire de revoir la formation des médecins au Maroc au niveau des facultés de médecine, en intégrant la médecine de famille en tant que spécialité comme toutes les autres», précise Tayeb Hamdi.
En plus d’assurer un parcours de soins coordonnés, la médecine de premier recours permet de réduire les coûts de santé, étant donné que le médecin de famille est capable de se charger lui-même d’une grande partie des traitements. Selon une étude suisse, 70% des cas sont traités par le médecin de famille, sans transfert ni examen ultérieur.
«Au Maroc, plus de 50% des dépenses de santé sont assurées directement par les familles. Or, la médecine de famille, basée sur les soins primaires, contribue à la réduction de ces charges. Il est donc primordial que le système de santé dans sa globalité soit centré sur la médecine de famille. En ayant un système d’assurance maladie qui attend à ce que les patients arrivent à la phase terminale pour les accompagner convenablement en matière de remboursement, c’est comme si on demande au malade de ne pas consulter, de ne pas faire de soins primaires et d’attendre les complications», conclut Dr. Hamdi.
Par Meryem Ait Ouaanna