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Un peuple cultivé, un peuple responsable

Un peuple cultivé, un peuple responsable

Le temps passe et rien ne change. Ce gouvernement qui a déclaré, au moment de sa nomination par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, vouloir trancher avec toutes les politiques qui l’ont précédé, semble pourtant marcher sur le pas de ceux qui ont été aux manœuvres avant 2021.

Par de nombreux pans, les affaires semblent avancer à plusieurs vitesses. Un déséquilibre qui impacte la bonne marche de cette belle dynamique mise en place et insufflée par le Souverain, qui mise sur l’excellence et sur la prise d’initiative, dans tous les domaines pour porter le Royaume vers plus d’essor et de prospérité.

Mais il y a un domaine précis où le gouvernement est tombé dans les mêmes écueils qui ont pénalisé des gouvernements qui ont fait de la culture une question subsidiaire.

Ce gouvernement refait les mêmes erreurs du passé en pensant que la culture, c’est un festival par-ci, un salon par-là, un concert pour appâter une jeunesse en manque de repères, des salamalecs, des autocongratulations et autres postes en trompe-l’œil. Non, tant que les responsables de la politique au Maroc n’ont pas compris qu’une politique culturelle digne de ce nom est une priorité pour le Maroc d’aujourd’hui, nous paierons encore lourdement l’addition à la fin du mandat de cette équipe. Et nous transmettrons le flambeau à une autre équipe qui pensera, elle aussi, que la culture est encore et toujours la cinquième roue du carrosse.

Non, la culture est une urgence nationale surtout pour un pays à l’histoire si riche, si ancienne, si complexe et si diversifiée, avec des héritages qui en font une exception non seulement dans le Maghreb mais dans ce monde arabe aux idées rétrogrades et passéistes et surtout au niveau du continent africain. Une politique culturelle digne de ce nom passe par la valorisation du talent, dans ses infinies manifestations. Elle passe par la valorisation d’une jeunesse qui rêve, qui crée, qui se projette dans l’universalité.

Une jeunesse éduquée et qui apprend que la culture et les arts peuvent porter les nations plus loin et servir de rayonnement pour montrer toute la richesse de ce Maroc qui continue à penser que la culture, c’est du folklore au rabais. Une vision archaïque, anachronique et aberrante pour une nation qui entend s’inscrire dans la modernité, consciente de ses héritages et portée vers l’ouverture sur le monde, dans ses grandes variations.

Dans cette optique, il faut favoriser l’inclusion et l’épanouissement des jeunes, en particulier les 4,5 millions de jeunes aujourd’hui inactifs, à travers la participation civique, culturelle et sportive. Il faut leur donner des raisons crédibles et solides d’espérer.

Cela passe par la mise en place d’une politique nationale de la lecture, puisque les Marocains ont perdu leur capacité de lire et de se documenter, et ce dans toutes les langues, loin de ces idéologies rétrogrades qui versent dans l’arabisation à tout-va, oubliant que le monde est multilingue, que le monde parle aussi anglais, chinois, indien, japonais, espagnol, hébreu, français et allemand.

Cela passe par la revalorisation du théâtre national qui se meurt dans l’indifférence totale. Ce chauvinisme de la langue est néfaste et participe à l’ignorance qui sévit au cœur d’une société marocaine qui semble aujourd’hui se complaire dans les futilités et le populisme tous azimuts.

Une valorisation de la culture passe aussi par une véritable industrie du livre et de l’édition, dans différentes langues pour s’ouvrir sur les cultures du monde.

Cela passe par une politique de fonds d’aide dans tous les secteurs qui ne soit pas frileuse, voulant satisfaire tout le monde pour ne s’attirer la foudre et la colère de personne. Mais en misant sur les grands projets, sur ceux qui peuvent s’exporter, qui peuvent envahir le monde, qui peuvent faire rayonner les productions marocaines dans tous les grands rendez-vous planétaires.

Cela ne peut se faire qu’en pariant sur l’acuité, l’intelligence, la compétence et non en ouvrant grand les portes à la médiocrité qui a envahi tous les secteurs de la créativité dite artistique au Maroc, avec des produits sans valeur ajoutée aucune, sans profondeur donnant dans le gag et le comique au rabais.

Il nous faut une politique culturelle moderne qui fasse de la culture une industrie qui rapporte gros, un investissement et un levier de développement humain.

Dans ce sens, il faut à tout prix arrêter de dérouler le tapis rouge à la médiocratie érigée aujourd’hui comme exemple pour des millions de jeunes qui peuvent nourrir d’autres rêves que de devenir des «influenceurs». Ils peuvent influer le cours de leur histoire en inscrivant leur nom dans des formes de créativité universelle, avec des visions, des valeurs humaines, des credo infaillibles, loin de toute idéologie assassine.

En conclusion, ce nouveau gouvernement tant attendu par tous les Marocains devait incarner l’excellence et la rigueur. Il devait incarner la détermination et l’efficacité. Il devait porter les valeurs de la réussite, de la solidarité, du partage, de la dignité et de la fierté d’être citoyen marocain : «Le nouveau modèle est une proposition pour un chemin de développement, un appel général à la mobilisation et au travail pour construire, sous la conduite éclairée de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu l’Assiste, le Maroc tel que nous le souhaitons collectivement.

Sa réussite exige une nouvelle forme d’organisation collective permettant à toutes les Marocaines et à tous les Marocains, dans leur diversité et leur richesse, de travailler ensemble pour les mêmes objectifs et de vivre dignement». Où en sommes-nous aujourd’hui de cette organisation collective ? Tous les Marocains et les Marocaines participent-ils vraiment à ce projet de société rêvé et désiré par tous ? Nous sommes loin du compte, surtout dans les affaires culturelles où le ministère de tutelle semble ne pas avoir pris la pleine mesure du rôle qu’il se doit d’incarner dans une société aux potentiels considérables.

Surfer sur la vague de l’air du temps est tout sauf une politique rationnelle, pensée, réfléchie et conçue pour porter haut les valeurs intellectuelles d’une nation qui a enfanté de très grands penseurs, de grands scientifiques, de grands auteurs, de grands artistes, hommes et femmes, qui ne se retrouvent plus dans ces amalgames malheureux et fourre-tout où la médiocrité le dispute à la bêtise dans ce qu’elle a de plus basique.

Nous méritons, tous en tant que Marocains, de meilleures manifestations de notre culture si riche et si profonde, et non pas cet étalage de trivialités, avec cette apologie du rire stupide comme unique baromètre de qualité.

Nous n’avons pas besoin de stimuler les zygomatiques, nous avons grand besoin de faire travailler nos méninges, de réfléchir, d’approfondir des questions cruciales sur nos identités, nos valeurs, notre histoire,  notre héritage, nos diversités, comme nous avons besoin d’approfondir les débats de société sur le rôle de la pensée et des arts au sein d’une société saine et solide sur ses assises.

Continuer à nous gaver de toutes ces simagrées, de toutes ces facéties lourdes et de mauvais goût ne sert en rien l’épanouissement de la culture marocaine. Au contraire, cela consacre l’ignorance, le mauvais goût, l’abêtissement des uns et des autres et le je-m’en-foutisme qui semble être le sort réservé aux affaires culturelles dans le Maroc d’aujourd’hui.

Abdelhak Najib
Écrivain-journaliste 

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