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D’abord, les élèves eux-mêmes, qui affichent grise mine : «Quand je vois comment mes parents souffrent pour permettre à moi et mon frère d’aller à l’école, je suis très triste. Ils font ce qu’ils peuvent pour nous épargner les tracas de la rentrée scolaire, mais chaque année, c’est la même chose : on les voit souffrir, ne pas dormir, aller voir les amis pour emprunter, c’est très dur…», confie Hakim, un jeune de 11 ans, qui dit avoir passé l’été à vendre des jus d’orange pour aider sa famille.

Pas de vacances pour cet enfant, comme des millions d’autres, qui ont passé les deux mois et demi de vacances à se débrouiller pour un petit pécule, histoire de survivre au pire. Sur douze enfants à qui nous avons parlé ce matin, avant l’entrée des classes, un seul a exprimé un peu de joie d’être de retour sur les bancs de l’école; les autres n’ont même pas essayé de faire semblant.

C’est dire que les difficultés que subissent de très nombreuses familles marocaines, touchent profondément leurs enfants, qui payent le prix fort, au niveau psychologique, alors qu’ils ont besoin de mettre toutes les chances de leur côté pour entamer une nouvelle année scolaire. Et pourquoi pas aller le plus loin possible pour décrocher des diplômes et espérer assurer leur avenir. 

Cette atmosphère pesante est encore plus grave quand on parle aux parents : «J’ai le sentiment de ne pas avoir été à la hauteur pour mes enfants, affirme cette mère de trois enfants, qui ont retrouvé le chemin de l’école ce matin. Regardez-les, ils portent de vieux habits, leurs chaussures sont déchirées, et on n’a même pas pu leur faire couper les cheveux chez un coiffeur, parce que nous n’avons plus un sou. Mes enfants ne disent rien, mais vous voyez bien qu’ils sont tristes. J’ai mal au cœur de voir ce spectacle et le pire c’est que je suis impuissante».

En effet, les enfants de cette dame ne sont pas les seuls à être dans un état désolant. Des habits déchirés, certains ne portent que de vieilles sandales, des cartables éventrés et cousus grossièrement. Quant à l’état d’esprit, ce n’est pas la joie, malgré l’excitation d’être en groupe et avec des camarades.  

Du côté des enseignants, le ton est à la résilience. Contre mauvaise fortune, ils font bon cœur. L’important, c’est de ne pas perdre la face, le jour de la rentrée : «La situation est catastrophique à tous les points de vue, mais il faut tenir. Nous n’avons aucune autre alternative que d’assumer nos responsabilités et assurer notre fonction qui est d’ouvrir les classes et de donner les cours à tous ces enfants qui veulent assurer leur avenir, quoi qu’il en coûte. Mais, la réalité est très dure.

Les conditions de travail sont minimales. Les parents souffrent, leurs enfants le voient, nous aussi, nous tirons la langue et vous voyez bien comment est l’établissement. Nous manquons même du strict minimum, mais ce n’est pas une raison de ne pas travailler». 

En effet, cette école de Hay Mohammadi ainsi que d’autres écoles sont en très mauvais état. Ni jardin, ni espace vert. Les toilettes sont dans un état lamentable. Aucun espace pour pratiquer la moindre activité physique. Pas un seul ordinateur dans aucune classe. Pire, même l’eau potable n’est pas garantie dans ce type d’écoles. Quand on ajoute à cela la précarité des familles, la crise profonde que vivent les parents, le manque de moyens et les horizons bouchés, il faut dire que toute cette large catégorie sociale affiche un courage à toute épreuve et une dignité qui force l’estime.