C’est, de mémoire de citoyen, la plus longue grève estudiantine de l’histoire du Maroc. Depuis décembre 2023, les étudiants en médecine et en pharmacie sont en grève.
Abdelhak Najib
Écrivain-journaliste
Neuf mois plus tard, le conflit s’est intensifié, après une année blanche, une année de perdue, alors que le but des deux ministères de tutelle, celui de l’Enseignement supérieur et celui de la Santé était de réduire la durée des années d’études pour former le plus rapidement possible des médecins et répondre aux manques en spécialistes dans tous les domaines de la santé publique. Résultat des courses, une année sacrifiée et un projet qui n’a pas abouti.
D’un côté, deux ministres, Khalid Aït Taleb et Abdellatif Miraoui qui campent sur leur position et surtout fonc face à la résistance et la résilience de milliers d’étudiants qui n’ont pas cédé d’un iota ni face aux remontrances, ni face aux pressions, encore moins aux sanctions.
De l’autre, des étudiants qui ont fait savoir que réduire les années d’études à six ans au lieu de sept est une aberration, surtout que la médecine marocaine est toujours pointée du doigt pour son manque de compétence et de qualification, voire d’incompétence de plusieurs médecins dont, d’ailleurs, les affaires scandaleuses, ont défrayé la chronique. Sans parler de la nécessité d’avoir un cursus universitaire optimal, une formation solide et sans failles et une capacité de soigner les Marocains dans les conditions les plus dignes et les plus efficientes. Ce qui est encore loin d’être le cas.
Face à l’obstination des deux ministères de tutelle qui ne veulent «pas perdre la face »», comme le souligne l’un des étudiants grévistes, nous sommes aux portes de la rentrée scolaire et la pomme de discorde a grossi. Elle a même donné des signes de pourrissement, n’augurant rien de bon pour la suite des événements. Ce qui fait dire à l’une des futures médecins qu'"il n’y a aucun mal à se tromper. Surtout en politique.
Une mauvaise idée est une mauvaise idée même maquillée. Et le projet des deux ministres est tout simplement une très mauvaise idée. Il faut alors faire amende honorable et revenir sur son erreur pour avancer. Au lieu de cela, nous, les étudiants, qui revendiquons des droits garantis par la Constitution, nous avons été malmenés, battus, tabassés, insultés, traînés dans la boue, et nous avons perdu une année de notre vie. À qui la faute ? Je l’affirme et je pèse mes mots : les deux ministres nous ont causé beaucoup de tort et continuent en brandissant des menaces et des sanctions. Pour moi, cela porte un nom : abus de pouvoir», précise cette jeune femme de Rabat.
Y a-t-il une solution viable pour cette situation qui s’est enlisée dans la boue des dialogues de sourds ? «Sans une révision de la position des deux ministères, il n’y a aucune solution envisageable», souligne ce médecin, qui soutient les manifestations des étudiants. «Aït Taleb et Miraoui s’entêtent et ne pensent pas du tout à l’avenir de ces étudiants, à leurs familles, à leur avenir et à tout ce qu’ils ont perdu. Perdre une année scolaire est une catastrophe pour moi. Dommage que les deux ministres ne l’entendent pas de cette oreille». Quoi qu’il en soit, c’est l’impasse.
Les étudiants semblent avoir fait le deuil d’une année scolaire et sont prêts à en perdre une deuxième. Perdu pour perdu, autant aller au bout, affirme ce syndicaliste qui va plus loin et dit que «si nous étions ailleurs, les deux ministres auraient démissionné ou auraient été démis de leurs fonctions pour incompétence et pour échec total dans leur mission».