C’est une première sans précédent dans toute l’histoire politique de la France. La démission du Premier ministre Gabriel Attal et de son gouvernement ouvre sur une période de transition, sans exécutif, avec une crise politique profonde qui divise tous les partis français dans leur bras de fer avec le président de la République, Emmanuel Macron.
C’est acté. La France n’a plus de gouvernement. Celui, dirigé par Gabriel Attal, a démissionné. Celui qui devait prendre les rênes de l’exécutif n’est pas encore désigné. Ce qui plonge la France dans une phase de «transition», qui risque de durer jusqu’à la fin août 2024, comme l’a affirmé le président Emmanuel Macron.
Situation inédite, vide gouvernemental sans précédent, avec une inconnue : comment gérer les affaires courantes, sans ministres, sans chef du gouvernement ?
Pourtant, le président de la République s’accommode de cette situation pour le moins glissante vue les tensions accrues que traverse la France depuis plusieurs mois.
Pour les observateurs français et étrangers, «gouverner la France va devenir beaucoup plus difficile pour Emmanuel Macron», comme on peut le lire dans plusieurs publications étrangères qui ont analysé la crise politique française, suite au deuxième tour des législatives, qui a plongé le pays dans l’incertain.
Au lendemain de ce scrutin, Gabriel Attal avait présenté sa démission au chef de l’État, qui avait demandé au Premier ministre sortant de rester en fonction «pour garantir la stabilité» du pays jusqu’à ce que la composition de la nouvelle Assemblée nationale soit finalisée.
Le 16 juillet 2024, le président Macron accepte cette fois la démission de Gabriel Attal tout en lui demandant «une nouvelle fois de rester en poste jusqu’à ce qu’un nouveau gouvernement soit formé, ce qui signifie que la France reste dans les limbes politiques, sans clair successeur en vue», comme le précise un éditorialiste à CNN.
Ceci équivaut à une solution de colmatage en attendant d’y voir plus clair. Pourtant, plus clair que le résultat des urnes, il n’y a pas.
Ce qui fait que, concrètement, ce que les analystes appellent déjà «gouvernement intérimaire» ne peut en aucun cas, selon la Constitution française, «mettre en œuvre une quelconque réforme législative».
Sans oublier que l’Hexagone doit gérer un gros dossier, celui des Jeux olympiques, qui commencent dans quelques jours. Sans gouvernement capable de prendre des décisions, sans véritables compétences ministérielles, il faut dire que le gouvernement intérimaire vogue sans gouvernail vers les JO, avec des questions sérieuses à résoudre, comme la sécurité des Français.
Maintenant, posons-nous la question suivante : pourquoi Emmanuel Macron, sachant tout ceci, a tout de même accepté la démission de Gabriel Attal ?
Il ne faut pas avoir la science infuse : quand on fait le diagnostic de la situation politique de la France après le deuxième tour des législatives, on comprend que cette décision est purement tactique. Elle visait avant tout à permettre aux membres du gouvernement qui ont brigué des sièges lors des récentes élections législatives d’assumer leurs fonctions de députés au sein d’une Assemblée nationale divisée et de voter pour son prochain président.
Évidemment, sous l’étiquette du camp présidentiel.
Sachant que la «période de transition» entre deux gouvernements n’a jamais duré plus de neuf jours sous la Ve République, cette manœuvre habile du président Macron risque d’avoir l’effet contraire en causant un réel problème démocratique en France, ce qui va écorner davantage l’image du chef de l’État et de son camp.
Sans oublier qu’au sein de la formation politique arrivée en tête du dernier scrutin, les divisions sont nombreuses puisque les caciques du parti n’arrivent pas à dégager un seul nom capable de tenir le gouvernail. Nouveau Front populaire (NFP) «a clairement montré ses divisions et son incapacité à parvenir à une quelconque forme de compromis», comme on peut le lire dans une analyse d’Euro News.
C’est d’ailleurs le même son de cloche outre atlantique où les journaux sont unanimes pour qualifier cette crise de grave : «Il ne se passe pratiquement pas un jour sans qu’un parti de gauche lance un nom, pour qu’il soit immédiatement rejeté par les autres membres de l’alliance», lit-on sur les colonnes du Wall Street Journal.
Cette crise de la gauche est du pain béni pour le président de la République, qui prend son temps pour nommer un nouveau gouvernement, neutralisant ainsi la gauche tout essayant de former une coalition modérée avec la droite républicaine. Une manœuvre risquée, mais fort probable. Ce qui portera encore un coup dur aux partis de gauche, qui peuvent rater un autre virage à cause des dissensions internes et des guerres intestines de leurs chefs.
Abdelhak Najib, Écrivain-journaliste