Les récents propos du président Macron sur la liberté d’expression et le droit de caricaturer le prophète Mohammed, à l’occasion de l’hommage national rendu au professeur Samuel Paty, décapité, ont créé une forte grogne dans le monde musulman.
Le rejet de cette déclaration n’a pas tardé. Tout en condamnant les actes de sauvagerie au nom de l’Islam, le ministère marocain des Affaires étrangères a affirmé dimanche 25 octobre dans un communiqué que la diffusion continue de caricatures «offensantes» du prophète était un acte de provocation. D’autres pays, et à leur tête la Turquie, ont appelé au boycott des produits français en riposte à cet agissement inacceptable.
Au Maroc, un hashtag #BoycottLesproduitsfrançais est largement relayé sur les réseaux sociaux. Des internautes marocains ont publié, sur leurs comptes Facebook et Tweeter, des photos de rayons de supermarchés auparavant chargés de produits français complètement vides. Ces images concernent particulièrement des pays du Moyen-Orient, et plus précisément le Qatar et le Koweit. Cette campagne a pris une telle ampleur que le gouvernement français a réagi, réclamant l’arrêt du boycott des produits français.
Au Maroc, le mouvement est peu, voire pas du tout suivi dans les faits. En tout cas, aucune information n’a été annoncée à ce sujet aussi bien par les groupes de grande distribution que par les marques françaises.
Moncef Belkhayat, ex-ministre et membre du bureau politique du RNI, actuellement président de WB Africa, un groupe qui agit dans la grande distribution, constate que «pour le moment, le mouvement de boycott est limité à quelques balbutiements sur les réseaux sociaux. Le risque peut concerner les produits de consommation quotidiens, mais pas les produits d’équipement».
Il note par ailleurs que «la plupart des produits français vendus au Maroc sont fabriqués localement par des entreprises de droit marocain, employant des Marocains et payant des impôts générant des recettes pour l’Etat marocain».
«Cette campagne de boycott ne va pas dépasser le monde virtuel et des réseaux sociaux. Si en Turquie et au Moyen-Orient certains consommateurs ont commencé à bouder les produits français, au Maroc la situation se présente autrement. La présence française est très forte dans tous les domaines de l’économie marocaine. Par exemple, il est plus facile de boycotter des produits agroalimentaires, mais est-ce le cas pour la distribution d’eau et d’électricité, gérée par des opérateurs français au niveau de grandes villes comme Casablanca et Rabat, ou d’autres produits comme les médicaments ? », se demande Mohamed Amrani, professeur d’économie à l’Université Hassan II de Casablanca.
Et d’ajouter qu’«une campagne de boycott de grande ampleur ne peut que nuire aux intérêts du Maroc, puisque la France est un partenaire historique du pays, plusieurs secteurs dépendant fortement des échanges avec l’Hexagone, que ce soit à l’import ou à l’export ».
Concernant la classe politique marocaine, plusieurs parlementaires et des formations politiques sont montés au créneau et ont dénoncé sévèrement les caricatures du prophète, sans pour autant prendre une position claire par rapport à la campagne de boycott.
Mais plusieurs voix s’élèvent et critiquent ouvertement cette initiative. Mohamed Alouah, militant associatif et fondateur du Parti libéral réformateur, résume, chiffres à l’appui, la grande importance de la France pour le Royaume et les raisons pour lesquelles il faut éviter de tomber dans le piège du boycott.
«La France est notre premier investisseur étranger au Maroc avec 35,1% du total des flux d’IDE en 2017 et 23,1% en moyenne depuis 5 ans. Avec 900 filiales d'entreprises françaises au Maroc, dont 32 parmi les plus importantes du CAC40, la France est très bien implantée chez nous. Depuis 2015, notre production industrielle est devenue à forte valeur ajoutée et est en pleine croissance grâce à son secteur automobile. En 2018, le Maroc a enregistré un excédent commercial de 919 millions d'euros avec la France. Les MRE ont pu transférer 2,1 milliards d’euros, soit 35,2% de tous les transferts financiers que nous recevons de l'étranger.
L'Agence française pour le développement (AFD) participe au financement de projets structurants au Maroc. S’élevant à 3,81 millions, les touristes français ont dépensé près de 2 milliards d’euros au Maroc», martèle Alouah.
Dans une note, le ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères a réagi à la campagne de boycott des produits français, notamment agroalimentaires, initiée ces derniers jours par la jeunesse arabe, à travers les réseaux sociaux. Lire l'article