International Tout voir

Mais ils sont où les rigolos ?

Mais ils sont où les rigolos ?

Par Abdelhak Najib, écrivain-journaliste

 Peut-on rire de tout ? Jamais cette question n’a été aussi brûlante que par les temps qui courent aujourd’hui en France, où l’on a une forte inclination à tout tourner à la dérision, dans un jeu trouble qui finit par tout galvauder et par tout rendre «normal» et «ordinaire». Et ce, à cause de cette propension au rire mais le plus stupide qui soit, surtout quand il s’agit de sujets très graves, comme le racisme, la discrimination, la xénophobie, le rejet de l’autre, l’ostracisme, le clash des cultures et la guerre des identités, sur fond de profondes et durables tensions communautaires. Depuis plusieurs décennies, on tourne tous ces problèmes on ne peut plus sérieux au ridicule et on s’en amuse, on en rit, on en fait des sketchs, on fourgue des gags mâtinés d’une rhétorique du «il vaut mieux en rire», allant jusqu’à annihiler toute réelle réaction chez les populations. Lesquelles finissent par s’habituer à l’inacceptable, par admettre l’inadmissible, par trouver l’horreur normale, voire risible. 

Évidemment, ce n’est pas le cas du tout dans cette France qui traverse depuis plusieurs années une terrible crise sociale, avec des dissensions, des divisions, une agressivité entre les communautés, des accusations sur fond de culture et de confession, une haine entre les différentes couches sociales, avec des riches de plus en plus riches et des pauvres plongés dans la précarité et menacés de basculer dans la pauvreté la plus inextricable. 

Pourtant, face à cette situation que tout le monde a vu venir, on a invité tout le monde à en rire en attendant le pire. Et le pire est déjà là. 

La grogne est devenue une contestation musclée, la discorde sociale des affrontements à couteaux tirés, avec une classe politique coupée des réalités d’une République qui fait rire, à plus d’un égard.

Et face à toute cette haine, devant une telle crise, nous avons noté, en parallèle de cette rhétorique éculée servie par des figures politiques sans expérience aucune, une inquiétante et intrigante absence de tous ces rieurs, ces amuseurs de variété, ces stars de la télé et d’ailleurs qui se produisaient en continu et en boucle, un peu partout pour dire aux Français, aux Maghrébins, aux Arabes, aux Africains et autres Asiatiques et Latinos, qu’«il faut en rire». Tous ces comiques ont disparu. 

Pas la moindre blague sur le jeune homme tombé sous les balles à Nanterre. Pas la moindre boutade sur les incendies, le vandalisme, les affrontements et la castagne. 

Pas de jeux de mots douteux, non plus, face à des populations qui n’en peuvent plus et une classe politique qui semble occupée à fructifier les recettes du libre marché, y compris celui des vies bafouées au nom du racisme décomplexé et de la haine ouverte et assumée.  

On n’a pas entendu le point de vue de Monsieur Debbouze ni celui de Monsieur El Maleh. Pourtant, ces deux humoristes ont fait des sujets qui flambent aujourd’hui leur véritable fonds de commerce durant toute leur carrière. Mais là, silence. Cela peut être préjudiciable. Cela peut être mal vu, même ! 

C’est la même chose pour d’autres comiques comme Dubosc, Proust, Gerra, Semoun, Judor, Bedia, Booder, Sylla, Abittan, Tsamere, Adams, Ivanov et tant d’autres figures du rire à la française. Pas de commentaires. Pas de prise de parole. Silence. 

On reviendra quand les choses se seront calmées, et on en fera des sketchs encore !  Curieux ce mutisme, alors que la société se déchire. Même pas une petite formule sympatoche ! Il faut en rire, non !

Articles qui pourraient vous intéresser

Lundi 18 Novembre 2024

Provinces du Sud : La nouvelle priorité économique et diplomatique de Paris

Mardi 12 Novembre 2024

Journées économiques Maroc-France : Renforcement des partenariats stratégiques dans les Régions du Sud

Mercredi 30 Octobre 2024

La France va accroître sa présence consulaire au Sahara marocain

S'inscrire à la Newsletter de La Quotidienne

* indicates required