International Tout voir

Donald Trump : Un plan mûrement réfléchi

Donald Trump : Un plan mûrement réfléchi

Le plan de Donald Trump est mûrement réfléchi et minutieusement étudié par son équipe de conseillers économiques de la Maison-Blanche.

Par Khalid Doumou, chercheur pluridisciplinaire

 

Il faut que la communauté internationale comprenne une fois pour toutes, et l’Europe en tête, que le Président Trump n’est pas un écervelé qui prend des décisions par-dessous la jambe et de manière unilatérale sans concertation préalable avec ses nombreux conseillers.

Bien au contraire, la doctrine Stephen Miran, président du Conseil des conseillers économiques (Council of Economic Advisers) de Donald Trump, explique avec une grande précision quelle est la stratégie adoptée par le parti républicain pour renforcer le tissu productif américain et faire vraiment contrepoids à la République Populaire de Chine qui s’est dangereusement mutée en puissance économique et commerciale à l’échelle planétaire.    

La négociation conjointe de conditions commerciales et sécuritaires est au cœur de la doctrine Miran. Les Etats-Unis étant un pays surendetté, il est logique que la première puissance économique mondiale cherche à se désendetter, tout en se réindustrialisant. Et la sécurité nationale sera probablement de plus en plus largement conçue, pour inclure par exemple des produits comme les semi-conducteurs et les produits pharmaceutiques.

Selon le FMI, il y a 12.000 milliards de réserves de change mondiales, entre les mains des autorités de quelques pays (Zone Euro : 280 milliards $; Suisse : 800 milliards $; Chine : 3.000 milliards $ au minimum; Japon : 1.200 milliards $; Inde : 600 milliards $; Taïwan : 560 milliards  ; Arabie saoudite : 450 milliards $; Corée du Sud : 420 milliards $; Singapour : 350 milliards $) dont environ 64% (7.000 milliards environ), sont libellés en dollars. Je me permets de rappeler que les réserves de change sont un indicateur clé de la santé économique d’un pays, reflétant sa capacité à gérer sa monnaie, et à faire face, le cas échéant, à des crises financières.  

La guerre commerciale «mondiale» qui se déroule aujourd’hui devant nos yeux ébahis, n’est en réalité qu’une manière complètement désinhibée pour les Etats-Unis de Trump de séparer le bon grain de l’ivraie, et de définir de manière cristalline quels sont les pays qui sont alignés avec les intérêts économiques américains, de ceux qui ne sont vraisemblablement pas des partenaires stratégiques des Etats-Unis (notamment les 10 BRICS+ : Le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine, l'Afrique du Sud, l'Iran, l'Égypte, les Émirats arabes unis, l'Indonésie et l'Éthiopie). 

Sauf pour Pékin, membre du G2 (deux plus grandes puissances mondiales), les surtaxes douanières (tarifs réciproques) annoncées en fanfare ont été suspendues hier pour 90 jours pour l’ensemble des pays de la planète, après l’affolement des marchés boursiers et la détérioration du taux du marché de la dette américaine (+0,7%), qui s’élève déjà à un niveau record de 36.000 milliards de dollars en 2025. 

Les Etats-Unis sont le pays le plus endetté du monde, et ils ont besoin d’autres pays pour se financer sur le marché de la dette. Cette trêve de trois mois annoncée par Donald Trump devrait permettre de jauger les intentions bienveillantes ou velléitaires des uns et des autres à l’égard d’un mastodonte qui a apparemment toujours la capacité de fixer les règles du jeu commercial mondial.

Une guerre froide d’un nouveau genre oppose aujourd’hui Washington à Pékin avec l’instauration de droits de douane punitifs par Washington (125%) et de rétorsion par Pékin (95%). Washington étant désireuse de résorber ses déficits commerciaux avec le reste du monde, et de baisser une dette sur PIB atteignant 120%, elle a décidé de lancer ce pavé des droits de douane dans la mare des échanges économiques mondiaux, pour redresser autant que faire se peut les termes d’un échange international jugé inégal par l’administration républicaine de Donald Trump.

Tout ceci, en n’omettant pas bien entendu d’en remettre une couche sur le dumping social chinois, les manœuvres de dévaluation compétitive du Renminbi (en accumulant des réserves de change excessives), la vente de composants opioïdes par la Chine au Mexique (vente de composants du Fentanyl, drogue qui ravage les Etats-Unis), le non-respect des droits de propriété intellectuelle américaine, l’utilisation de plateformes de réexportations étrangères vers les Etats-Unis, la continuation du commerce avec des entités sanctionnées économiquement par Washington, ou encore la dénonciation des Etats-Unis sur la scène internationale.

Autant dire que les griefs sont nombreux entre Washington et Pékin qui n’a pas aimé le traitement qui a été réservé à des sociétés comme Huawei (impossibilité d’acquérir les semi-conducteurs les plus avancés de Nvidia, exclusion du réseau 5G), Tik Tok (filiale de ByteDance accusée d’espionnage), ou à l’industrie métallurgique chinoise en surimposant l’aluminium et l’acier vendu au Canada et au Mexique par la Chine.

«La surcapacité chinoise submerge les marchés mondiaux sur le dos des producteurs et travailleurs américains», affirme Michael Wessel, conseiller commercial du syndicat United Steelworkers of America. Quant à l’ingérence américaine dans les affaires de Taïwan (terre d’accueil de la plus importante société de semi-conducteurs au monde, TSMC), elle aussi gêne aux entournures les 90 millions de Chinois membres du PCC. 

Le but de l’administration Trump est donc de rééquilibrer les termes d’un échange commercial jugé inégal au profit de la Chine, en remettant en cause l’idée d’un privilège exorbitant du Dollar dû à son statut de monnaie de réserve mondiale.

Mais aujourd’hui un Dollar trop fort pénalise les exportations américaines vers le reste du monde.
Mais les effets économiques de la dévaluation du taux de change peuvent être parfaitement reproduits par deux combinaisons de politiques : soit un tarif d’importation (nouvelle politique de Trump 2.0) et des subventions à l’exportation (grief fait à la Chine depuis longtemps), soit par une augmentation de la taxe à la consommation (TVA), et une réduction des charges sociales.   

En tout état de cause, il existe quatre grandes familles de taxes qui peuvent augmenter les recettes du Trésor de tous les pays du monde : Taxe sur le capital (taxe de 15% sur les profits localisés dans les paradis fiscaux, sur le travail (sur les services numériques de 3% qui a créé un sérieux contentieux Etats-Unis-Europe), sur le commerce, et sur la consommation.

Quant à Elon Musk, il faut savoir que sa société Starlink colonise l’espace avec pas moins de 8.000 satellites (85% en orbite basse, à 2.000 km de la terre; 3% en orbite moyenne à 20.000 km de la terre et 12% en orbite géostationnaire à 35.880 km de la terre). L’influence de celui-ci sur les affaires internationales s’en trouve clairement renforcée, même si les media mainstream occidentaux se focalisent sur les cours de Bourse de sa société de voitures électriques Tesla.

Quant au Dollar, il est l’actif de réserve en grande partie parce que l’Amérique offrait jusqu’à un passé récent, stabilité (Principal acteur de l’OTAN), liquidité (Dow Jones, Nasdak et Treasuries), profondeur de marché et Etat de droit (Rule of Law). Aujourd’hui, les Etats-Unis sont apparemment prêts à faire des concessions sur cette image de gendarme de la planète, si cela devait résulter sur des avantages économiques leur permettant de réindustrialiser une partie de l’arsenal industriel américain. 

En attendant, la deuxième mandature du Président Trump démarre tambour battant, comme si Donald avait une revanche à prendre sur ces quatre ans de mandature démocrate de Joe Biden qui l’avait presque complètement exclu de l’arène politique américaine. Et seul l’avenir nous dira si ce Président aux allures fantasques aura réussi ou pas à redonner de sa superbe à un Uncle SAM en mal de reconquête de nouvelles parts de marché à l’échelle mondiale, et ce, notamment dans les secteurs à très forte valeur ajoutée.

Articles qui pourraient vous intéresser

Jeudi 10 Avril 2025

Droits de douane américains : Pause café trumpienne

Jeudi 10 Avril 2025

Sahara marocain : Ce qu’en dit le secrétaire d'Etat américain

S'inscrire à la Newsletter de La Quotidienne

* indicates required