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Ces femmes qui admettent que leur conjoint a le droit de les battre


21% des femmes et 25% des hommes affirment que le conjoint a le droit de battre sa femme si elle sort de chez elle sans demander son autorisation, selon l’enquête du HCP.

 

La violence contre les femmes est une réalité bien ancrée au Maroc. Qu’elle soit physique ou verbale, elle produit des effets psychologiques dévastateurs et induit également des coûts sociaux et économiques élevés.

L’enquête menée à ce titre par le haut-commissariat au Plan, entre février et juillet 2019, donne une ample idée sur les grandes tendances de la violence à l’encontre des femmes et les perceptions de la société marocaine à son égard.

Couvrant l’ensemble du territoire national, avec un échantillon de 12.000 filles et femmes et 3.000 garçons et hommes âgés de 15 à 74, elle dévoile des résultats édifiants.

 

Tendance générale à la baisse principalement en milieu urbain

Parmi 13,4 millions de femmes âgées de 15 à 74 ans, plus de 7,6 millions ont subi au moins un acte de violence, tous contextes et toutes formes confondus durant les douze mois précédant l'enquête; elles représentent 57% de la population féminine.

La prévalence de la violence faite aux femmes est de 58% en milieu urbain (5,1 millions de femmes) et de 55% en milieu rural (2,5 millions de femmes rurales).

En dépit de son caractère structurel, la violence a entamé globalement une tendance à la baisse entre 2009 et 2019.

La part des femmes ayant subi au moins un acte de violence a régressé de 6 points de pourcentage, passant de 63% à 57% si l’on considère uniquement la population cible de 2009 des femmes âgées de 18 à 64 ans.

Cette baisse est de 10 points en milieu urbain et de près d’un point en milieu rural.

 

Hausse des violences sexuelle et économique

Les prévalences des violences psychologique et physique ont respectivement baissé de près de 9 points, passant de 58% à 49%, et de 2 points, passant de 15% à 13%.

En revanche, celles des violences économique et sexuelle ont augmenté respectivement de près de 7 points, passant de 8% à 15%, et de 5 points, passant de 9% à 14%.

Les mêmes tendances sont relevées dans les deux milieux de résidence, hormis la violence physique qui a connu une hausse de 4 points en milieu rural, passant de 9% en 2009 à 13% en 2019.

 

Violence marquée dans le milieu familial

Par espace de vie, le contexte domestique, englobant le contexte conjugal et familial (y compris la belle famille), demeure le plus marqué par la violence, avec une prévalence de 52% (6,1 millions de femmes), enregistrant une augmentation de 1 point par rapport à 2009.

Les autres cadres de vie ont connu une baisse de la violence, en particulier dans l’espace public où la prévalence est passée de 33% à 13%, suivi par le lieu d’enseignement avec une baisse de 5 points, passant de 24% à 19%.

L’évolution de la violence différenciée par milieu de résidence révèle des tendances inversées, traduites par une baisse en milieu urbain et une hausse en milieu rural dans tous les espaces de vie, à l’exception du lieu public marqué par une baisse dans les deux milieux.

 

La violence conjugale concerne les moins instruites

En 2019, avec un taux de prévalence de 46% dans l’espace conjugal (5,3 millions de femmes), les femmes, âgées de 15 à 74 ans, victimes de violence perpétrée par un mari ou un ex-mari, un fiancé ou un partenaire intime, sont principalement des femmes mariées avec une prévalence de 52%, de jeunes femmes de 15 à 24 ans (59%), des femmes ayant un niveau d’enseignement moyen (54%) et des femmes en situation de chômage (56%).

Par ailleurs, par référence au profil du partenaire, la prévalence est particulièrement élevée parmi les femmes dont le partenaire a vécu dans un environnement marqué par la violence conjugale, avec un taux de 73%, les partenaires jeunes âgés de 15 à 34 ans, avec un taux de 61%, et ceux ayant un niveau scolaire secondaire collégial, avec un taux de 57%.  

Dans sept cas sur dix (69%), les actes de violence dans le contexte conjugal sont dus à une violence psychologique, 12% des cas à une violence économique, 11% à une violence physique et près de 8% à une violence sexuelle.

 

Violence psychologique

Dans le milieu professionnel, 15% des femmes actives sont victimes de la violence dans toutes ses formes.

Cette proportion s’accentue parmi les femmes divorcées (22%), salariées (21%), citadines (18%) et les jeunes âgées de 15 à 34 ans (19%).

Ces actes sont commis par des responsables hiérarchiques dans 41% des cas et par des collègues dans 29% des cas.

La majorité de ces actes de violence (83%) est due soit à des comportements psychologiquement violents (49%), soit à la discrimination économique (34%).

Dans les établissements d’enseignement et de formation, 22% d’élèves et d’étudiantes ont déclaré avoir subi un acte de violence.

Les auteurs sont dans 46% des cas de violence des camarades des victimes, 28% des professeurs et 21% des personnes étrangères à l’établissement.

Les actes de violence commis sont dans 52% des cas d’ordre psychologique, 37% des cas de harcèlement sexuel et 11% des cas physiques.

 

Harcèlement sexuel

Dans les lieux publics, 13% des femmes ont été violentées au cours des 12 derniers mois (1,7 millions de femmes), avec 16% en milieu urbain et 7% en milieu rural.

Cette prévalence est prépondérante parmi les femmes jeunes âgées de 15 à 24 ans (22%), les célibataires (27%), les femmes ayant un niveau d’enseignement supérieur (23%) et les ouvrières (23%).

49% des cas de violence commis dans ces lieux sont en majorité imputables à l’harcèlement sexuel, 32% à la violence psychologique et 19% à la violence physique.

 

Absence de dénonciation

Suite à l’incident de violence physique et/ou sexuelle le plus grave subi par les femmes au cours des 12 derniers mois, 10,5% des victimes contre 3% en 2009 (près de 18% pour la violence physique et moins de 3% pour la violence sexuelle) ont déposé une plainte auprès de la police ou d’une autre autorité compétente.

Elles sont moins de 8% à le faire en cas de violence conjugale contre 11,3% pour la violence non conjugale.

La résolution du conflit par consentement, l’intervention de la famille, la crainte de la vengeance de l’auteur de violence, le sentiment de honte ou d’embarras particulièrement en cas de violence sexuelle, sont déclarés comme principales causes qui empêchent les victimes de déposer une plainte auprès des autorités compétentes.

Le recours des victimes à la société civile suite à la survenue de l’incident de violence ne concerne que 1,3% des femmes.

Il est de 2,5% pour les victimes de violence conjugale contre 0,3% en cas de violence dans les autres cadres de vie.

 

La cyber-violence et ses victimes

Une autre forme de violence qualifiée de «cyber-violence» a émergé avec le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication et l’expansion des réseaux sociaux.

Avec une prévalence de 14%, près de 1,5 million de femmes sont victimes de violence électronique au moyen de courriels électroniques, d’appels téléphoniques, de SMS, etc.

Le risque d’être victime de ce type de violence est plus élevé parmi les citadines (16%), les jeunes femmes âgées de 15 à 19 ans (29%), celles ayant un niveau d’enseignement supérieur (25%), les célibataires (30%) et les élèves et étudiantes (34%).

Cette forme de violence est dans 77% des cas le fait d’une personne inconnue.

Le reste des cas de cyber-violence revient, à part égale de près de 4%, à des personnes ayant un lien avec la victime, notamment le partenaire, un membre de la famille, un collègue de travail, une personne dans le cadre des études ou un(e) ami(e).

 

Perceptions de la société à l’égard de la violence

Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à considérer que la violence à l’encontre des femmes (73% contre 55%) et des enfants (69 % contre 48%) a augmenté au cours des cinq dernières années.

A l’inverse, les hommes sont plus nombreux que les femmes (49% contre 26%) à percevoir que l’évolution de la violence à l’encontre des hommes a augmenté.

 

Une opinion publique plus sensible à la violence dans le cadre conjugal

De tous les contextes étudiés, 57% des femmes contre 21% des hommes perçoivent que le contexte conjugal est celui où la violence à l’égard des femmes est la plus fréquente.

Ces proportions sont respectivement de 27% contre 58% pour l’espace public et de 12,0% contre 10% pour le contexte familial.

Par rapport aux deux contextes où la violence est la plus ressentie, 75% des femmes et 78% des hommes considèrent que la violence a augmenté dans l’espace public au cours des cinq dernières années.

Ils sont 69% des femmes et 58% des hommes à le percevoir dans le contexte conjugal. 

La prévalence de la perception de l’augmentation de la violence conjugale est plus importante parmi les femmes divorcées (72,8%), les femmes ayant une expérience de violence conjugale (61%), les femmes rurales (61%) et les femmes ayant un niveau scolaire secondaire (63%).

Pour les hommes, cette prévalence est plus élevée parmi les divorcés (64%), les âgés de 45 à 59 ans (61%) et les actifs occupés (59%).

Dans les lieux publics, les perceptions de l’augmentation de la violence sont plus exprimées parmi les femmes urbaines (82%), les jeunes de 15 à 24 ans (78%), les célibataires (80%), les femmes ayant un niveau scolaire supérieur (86%). Cette prévalence de la violence est peu différenciée parmi les hommes.

 

La violence conjugale, une affaire privée…

Près de 38% des femmes et 40% des hommes déclarent accepter la violence conjugale pour conserver la stabilité de sa famille.

Cette proportion est de 53% parmi les femmes sans niveau scolaire contre 9% parmi celles ayant le niveau scolaire supérieur.

Cette perception est plus élevée parmi les hommes divorcés (50%), les sans niveau scolaire (50%) et les ruraux  (48%). 

A cet égard, les raisons principales qui font durer la relation conjugale malgré la violence du conjoint sont la présence des enfants pour 77% des femmes et 72% des hommes et le manque des ressources de la femme pour 11,5% des femmes et 4% des hommes.

Les considérations religieuses ne sont perçues comme une raison que pour 1,3% de femmes et 2,4% pour les hommes.

48% des femmes perçoivent la violence conjugale comme un vécu privé qu’il ne faut pas révéler à autrui.

Cette opinion est plus prépondérante parmi les hommes (70%).

 

… Pas une préoccupation dominante dans la société

Pour illustrer l’acceptation ou non de la violence par certaines catégories sociales, plusieurs questions générales et spécifiques ont été posées aux femmes et aux hommes.

C’est ainsi que 27% des femmes et 31% des hommes affirment que le mari ou le partenaire intime a le droit de punir sa conjointe pour une quelconque faute. 

Cette proportion est plus élevée et à part égale parmi les femmes et les hommes ruraux (36%) et parmi les femmes et les hommes sans niveau scolaire (35%).

Elle est de 32% parmi les femmes âgées de 60 et plus et de 31% parmi les hommes de la même tranche d’âge.

Par ailleurs, 21% des femmes et 25% des hommes affirment que le conjoint a le droit de battre sa femme si elle sort de chez elle sans demander son autorisation.

Ces affirmations sont plus élevées parmi les femmes rurales (31%),  les hommes ruraux (30%) et les femmes sans niveau scolaire (31%).

 

Les principales sources de violence conjugale

Dans le contexte conjugal, la pauvreté et les conflits d’intérêt matériel sont perçus comme principales causes de la violence par 55% des femmes et par 74% des hommes, et le manque de communication au sein du couple par 13% des femmes et par 6% des hommes.

Dans l’espace public, la pauvreté est considérée comme cause principale de la violence pour 15% des femmes et 40% des hommes, suivie de la consommation des drogues et de l’alcool pour 16% des femmes et 21% des hommes et par le chômage des jeunes pour 15% des femmes et 2% des hommes.

 

Faible connaissance de la loi

Plus de la moitié des femmes et des hommes ne connaissent pas la loi 103-13 relative à la lutte contre la violence à l’encontre des femmes.

Plus de 58% des femmes et 57% des hommes affirment ne pas être au courant de l’existence de cette loi.

Ce pourcentage est plus élevé dans le monde rural (70% des femmes et 69% des hommes), parmi les femmes et les hommes sans niveau scolaire (respectivement 71% et 74%). La différence de perception entre les femmes violentées et non violentées n’est pas significative.

Parmi les personnes connaissant cette loi, 45% des femmes et 31% des hommes considèrent qu’elle est insuffisante pour garantir la protection des femmes contre la violence.

Par ailleurs, 62% des femmes sont au courant de l’existence des associations d’assistance et d’hébergement des femmes victimes de violence et de leurs enfants;  et 41% des femmes le sont pour les cellules d’accueil relevant des institutions publiques.

Toutes caractéristiques confondues, les femmes sont mieux informées sur les associations non-gouvernementales que sur les structures étatiques dédiées au soutien et à la protection des femmes victimes de violence.

 

 

HCP

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