Les autorités marocaines ont réussi un joli tour de passe-passe. Ils ont fait bien mieux que le président russe, Vladimir Poutine, malgré ses largesses.
En Russie, des congés payés ont été accordés à toute la population, pendant une semaine s’il vous plait. Ainsi, du 30 octobre au 7 novembre, tout le pays est en chômage technique. Motif : la situation sanitaire qui se dégrade.
Ces vacances généreusement rétribuées vont ainsi permettre aux Russes réfractaires au vaccin d’aller se faire piquer. Il faut savoir que ce pays fait face à une flambée épidémique ravageuse, avec une moyenne de 1.000 décès quotidiens.
Au Maroc, l’approche des autorités est beaucoup moins diplomate, mais néanmoins très subtile. Elles ont mis en place le pass vaccinal, obligatoire depuis le 21 octobre. Et ce n’est pas anodin dans un pays où la vaccination n’est pas obligatoire. Ce pass, instauré via un communiqué très laconique, sans aucune modalité d’application et sans aucun discernement (mettant dans le même moule les «antivax» et tous ces gens qui présentent des allergies graves et qui ne peuvent se faire vacciner), a été ainsi savamment enveloppé dans un véritable maquis juridique. Que même les observateurs et experts les plus avertis n’arrivent pas à détricoter.
On peut empêcher les Marocains non vaccinés d’accéder à leur lieu de travail : dans ce contexte actuel, ils peuvent un peu s’en accommoder, certes avec beaucoup d’appréhension, au regard notamment de l’imbroglio juridique inhérent à l’instauration de ce dispositif.
Mais les priver de hammam et de s’asseoir dans un café, ça, jamais ! C’est les toucher profondément dans leur chair. C’est les priver d’une jouissance extrême, de ces petits plaisirs qui donnent un sens profond à leur vie sociale. Bref, c’est comme empiéter sur leurs sphères de souveraineté traditionnelle.
Dès lors, leur réaction a été immédiate. Les centres de vaccination ont été pris d’assaut dès l’entrée en vigueur du pass vaccinal. Malgré les cris d’orfraie timides lancés par la société civile et quelques élus d’une opposition politique bien faiblarde, les Marocains qui, jusqu’alors, snobaient la campagne d’immunité collective, s’y sont rués pour recevoir leur première dose. Et ce, dans une cohue indescriptible, transgressant toutes les règles édictées par les autorités en matière de respect des mesures barrières.
Est-ce de leur faute ? Non, évidemment. En prenant une décision aussi subite, mise en œuvre 48 heures seulement après son annonce, les autorités ont implicitement créé les conditions d’un désordre. Mais gare à l’effet boomerang ! Car il ne serait pas étonnant que ce qui s’est passé dans ces centres de vaccination soit le nid de foyers de contamination à la Covid-19.
En attendant que les retardataires prennent leur dose, ils devront, à défaut de flâner dans les rues, rester bien sagement chez eux : pas de boulot, hammam, café, resto, encore moins s’inviter dans une administration publique. Sacrée punition !
On a bien, là, de quoi inspirer Poutine.
F. Ouriaghli