-Depuis quelques années déjà, les vacances des Marocains se préparent en ligne, sur Airbnb, Booking ou TripAdvisor. Un tourisme numérique qui redessine les habitudes estivales, entre liberté, confort… et mauvaises surprises.
Il n’y a pas si longtemps, partir en vacances signifiait pour beaucoup de Marocains passer par une agence de voyage, ou compter sur le bouche-à-oreille pour réserver un hôtel ou un appartement en bord de mer. Aujourd’hui, les réflexes ont changé. En quelques clics, depuis un téléphone, il est possible de comparer des centaines d’offres, de lire des avis, de visionner des photos, de payer en ligne, voire d’évaluer l’hôte après séjour. Une révolution numérique qui a transformé la manière dont les Marocains organisent leurs vacances, en particulier l’été.
Airbnb, Booking, Tripadvisor, mais aussi Google Reviews, Skyscanner et même Instagram Toutes ces plateformes ont introduit une nouvelle culture du voyage au Maroc : plus personnalisée, plus décentralisée, plus flexible. Fini les hôtels standardisés, place à la maison avec piscine à partager entre amis, au riad traditionnel ou à l'appartement avec vue mer déniché à Mohammedia ou M’diq.
Cette liberté de choix a aussi révolutionné la relation au territoire. Des petites villes ou localités comme Imsouane, Bin El-Ouidane ou El Jebeha, jadis secondaires, connaissent un nouvel engouement grâce aux photos virales ou aux bons avis en ligne. «J’ai découvert toute la côte entre Oualidia et Sidi Kaouki uniquement grâce aux plateformes. Je choisis selon les avis, le budget et la vibe du logement», raconte Safae, 34 ans, qui voyage avec son mari et ses enfants.
Pour une grande partie des jeunes voyageurs marocains, le téléphone a remplacé le conseiller de voyage. Tout passe par l’écran : recherche, négociation avec l’hôte, itinéraire GPS, avis sur place, restaurants à tester, signalement d’un problème. En retour, les hôtes et propriétaires misent de plus en plus sur leur note moyenne, les réponses aux commentaires et la qualité de l’expérience client.
Ce modèle est d'ailleurs en train de reconfigurer les usages : certaines familles réservent même à la dernière minute, en changeant de ville au gré de la disponibilité et des offres flash.
Google Reviews et Tripadvisor…: les nouveaux guides de voyage
Avant même de réserver, les Marocains scrutent les avis, notations, photos et commentaires disponibles sur Tripadvisor, Booking et surtout Google Reviews, devenu un outil central. Resto, riad, parking, plage ou attraction : tout passe par l’application de cartographie. Elle permet d’évaluer un endroit, vérifier les horaires, observer les avis et faire un choix rapide.
«Je regarde systématiquement les étoiles et les avis Google, surtout les plus récents. Un mauvais commentaire sur la propreté ou l’accueil, et je zappe », nous confirme Safae. Ce tourisme à la carte a généré une exigence nouvelle : même pour un simple café, il faut désormais être bien noté.
Cette démocratisation n’est pas sans risques. De nombreux vacanciers marocains racontent avoir déchanté : logement différent des photos, localisation trompeuse, hôtes injoignables, ou même escroqueries via de faux profils. Les plateformes mettent en place des garde-fous, mais la méfiance reste de mise. «On a réservé une maison à Tamraght pour l’Aïd. En arrivant, elle était déjà occupée par d’autres touristes. L’hôte nous a bloqués sur WhatsApp. Airbnb a mis dix jours à réagir», témoigne Nabil.
Autre effet secondaire : la flambée des prix dans certaines zones. L’arrivée d’investisseurs visant uniquement la location courte durée a fait grimper les loyers dans les centres-villes de Tanger, Agadir ou Casablanca, au détriment des habitants permanents.
Quoi qu'il en soit, le tourisme numérique offre un accès plus large aux vacances pour les classes moyennes. Mais il menace aussi l’économie locale (taxes, hôtellerie, emploi déclaré) et favorise une logique de court terme. Peu de villes marocaines ont établi de règles claires sur la location touristique. Le modèle reste à inventer : faut-il imposer un enregistrement obligatoire, limiter le nombre de nuitées, créer un label officiel ? Justement, certains appellent à la création d'un label ou d’un agrément national pour encadrer la location touristique, d’autres suggèrent de taxer les plateformes internationales qui ne paient pas d'impôt localement.
En attendant, les Marocains poursuivent leur mue estivale, le nez sur leur écran, mais les pieds dans l’eau. Pour beaucoup, l’été commence sur une application, et se termine par un commentaire étoilé.