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Épisodes caniculaires : Comment les Marocains font face à la nouvelle normalité climatique

Épisodes caniculaires : Comment les Marocains font face à la nouvelle normalité climatique

Les vagues de chaleur ne sont plus l’exception, mais la norme. Des quartiers populaires de Marrakech aux plages bondées de Casablanca, les Marocains vivent un été 2025 marqué par des températures extrêmes. Face à cette nouvelle réalité climatique, chacun s’organise...tant bien que mal.

+48°C à Marrakech, 44°C à Fès, records battus à répétition dans le Sud… Le Maroc traverse un été étouffant, où la chaleur s’installe durablement. Si le royaume est habitué aux fortes températures, la fréquence, la durée et l’intensité des canicules actuelles révèlent un basculement climatique : le réchauffement n’est plus une menace future, mais un vécu quotidien.

Le phénomène n’épargne aucune région. À Agadir, la brume océanique n’est plus suffisante pour rafraîchir les matinées. À Rabat ou Casablanca, l’humidité urbaine rend l’atmosphère étouffante. Même en altitude, à Azilal ou Ifrane, les nuits sont moins fraîches. Selon la Direction générale de la météorologie, les vagues de chaleur se sont allongées de 40% en moyenne depuis 2000, et les villes marocaines figurent parmi les plus exposées à l’effet d’îlot thermique.

«Le vrai problème, c’est que ces vagues de chaleur reviennent de plus en plus tôt et durent plus longtemps. Ce n’est plus exceptionnel. Et nos villes, surtout à l’intérieur du pays, ne sont pas prêtes à absorber ces chocs répétés», explique Youssef Radi, climatologue et chercheur en adaptation climatique à Rabat. Pour lui, ces épisodes s’installent comme une nouvelle normalité saisonnière, avec des conséquences directes sur la santé publique, la sécurité hydrique et même la productivité économique.

Pour les Marocains, s’adapter devient une question de survie autant que de confort. Dans les villes, les rythmes de vie changent. Travailleurs et commerçants décalent leurs horaires. À Casablanca, les chantiers débutent dès 6h du matin pour éviter les coups de chaud. Les marchés ferment plus tôt. Les bains de mer en soirée se multiplient.

Dans les campagnes, la sécheresse fragilise les cultures, notamment dans les zones déjà exposées comme le Souss, le Haouz ou le Rif. Des puits s’assèchent, des sources disparaissent. Les éleveurs vendent une partie de leur cheptel pour faire face au manque d’eau. Les communes rurales, elles, organisent la distribution par camions-citernes dans les douars les plus touchés.

 

Santé : les plus vulnérables en première ligne

Les services de santé tirent la sonnette d’alarme. Les épisodes de canicule accentuent les risques pour les personnes âgées, les enfants et les malades chroniques. Les cas de déshydratation, d’insolation et d’aggravation des pathologies cardiovasculaires sont en nette hausse.

«Ces populations doivent faire l’objet d’une attention particulière. Les personnes âgées ont une sensation de soif diminuée, et les patients insuffisants rénaux doivent ajuster leur hydratation à partir de leur fonction rénale et de leurs recommandations médicales», nous explique le professeur Intissar Haddiya, médecin-néphrologue.

Le ministère de la Santé a mis en place un plan de vigilance canicule : messages de prévention, recommandations dans les centres de santé, mobilisation des ambulances… Mais dans certaines zones, notamment rurales ou périurbaines, les dispositifs sont encore insuffisants.

 

Innovations et débrouille au quotidien

Face aux chaleurs extrêmes, l’adaptation reste souvent artisanale. Dans les quartiers populaires, beaucoup s’organisent avec les moyens du bord : volets fermés en journée, linge mouillé accroché aux fenêtres, ventilateurs bricolés, ou encore installation de stores de fortune. Dans certaines maisons, on redécouvre des astuces traditionnelles comme l’arrosage des patios ou la sieste en fin de matinée.

Les commerçants, eux, s’équipent de brumisateurs portatifs ou de glacières à blocs de glace. Dans les marchés ou les cafés de plein air, certains installent des bâches et tapis mouillés au sol pour rafraîchir l’espace.

À défaut de grandes infrastructures, c’est la débrouille et l’entraide qui tiennent lieu de plan d’adaptation, notamment dans les zones rurales, où la chaleur affecte directement les récoltes, les bêtes… et les corps.

S’hydrater, ventiler, ralentir le rythme… Les Marocains apprennent, souvent empiriquement, à vivre dans un climat devenu extrême. Mais la gestion de cette “nouvelle normalité” impose un changement de paradigme. Il ne s’agit plus seulement de “survivre” à la chaleur, mais d’en faire une donnée structurelle des politiques publiques.

«Aujourd’hui, le climat ne touche plus seulement les agriculteurs ou les écologistes. Il change nos rythmes de vie, nos factures d’eau et aussi notre santé. C’est une problèmatique nationale, pas juste environnementale», analyse Youssef Radi., résume Y. Radi.

D’ailleurs, lors des dernières Nuits de la Finance, la ministre de la Transition énergétique, Leila Benali, a elle aussi insisté sur cette bascule en cours : «Nous devons sortir d’une logique purement capacitaire et aller vers une planification intégrée, à la maille du territoire». Pour elle, le changement climatique n’est plus un enjeu abstrait, mais une contrainte concrète qui redéfinit l’économie, les politiques publiques et les usages quotidiens. La répétition des canicules, la pression sur l’eau, la vulnérabilité des infrastructures et la fatigue sociale imposent une révision profonde des priorités nationales.

 

 

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