C’est sous un flot d’insultes obscènes qu’ils quittèrent le quartier. Sans avoir eu à goûter le fameux «thiebou dieune».
Cette scène incroyable allait rythmer nos discussions cet après-midi particulier. Les anciens étaient choqués, à plus forte raison moi, le «bleu».
Nous faisions le dur apprentissage de la vie à l’étranger, et plus singulièrement de la vie à la marocaine.
Aujourd’hui, avec le recul, je suis moins amer, car il faut replacer les choses dans leur contexte.
A l’époque, tout était différent. Et précisément en ce qui concerne les rapports homme-femme.
Même pour les Marocains, c’était compliqué. Il était très rare de voir un couple marcher main dans la main dans la rue, sauf à être mariés. La plupart des conjoints sortaient d’ailleurs avec leur certificat de mariage en poche.
Les tabous, les remparts culturels, le regard réprobateur de la société, la rue qui se prenait pour la police… sont autant d’éléments qui empiétaient sur ce qu’on appelle actuellement les libertés individuelles.
De plus, l’arrivée subite et en nombre de Subsahariens dans le Royaume avait créé un véritable choc culturel.
Encore davantage dans les quartiers populaires, comme l’était la cité ONCF, où les valeurs traditionnelles marocaines étaient fortement ancrées. Et où le niveau de tolérance était pratiquement de zéro.
Les Marocains ne manquant pas, au moindre accrochage, de nous signifier : «Nous sommes chez nous ici».
Sénégalais, Gabonais, Camerounais, Congolais…, nous étions nombreux à habiter dans ce quartier. Et à être confrontés à la même difficulté : l’acceptation de la différence.
(A suivre)
D. W.