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Cyberharcèlement des femmes : 73% des violences proviennent des inconnus

Cyberharcèlement des femmes : 73% des violences proviennent des inconnus

Dans l'ère numérique actuelle, où les interactions sociales et les échanges d'informations se font de plus en plus en ligne, un phénomène inquiétant émerge avec force : la violence numérique, notamment celle subie par les femmes.

 

Par M. Boukhari

Selon les chiffres du haut-commissariat au Plan (HCP), près de 1,5 million de femmes marocaines sont victimes de violence virtuelle. Pis encore, celle-ci représente 19% de l’ensemble des cas de violences subies par la gent féminine. Les filles âgées de 15 à 19 ans et les femmes de la tranche d’âge de 20 à 24 ans sont les principales victimes, avec des pourcentages respectifs de 34% et 28%.

Cette violence numérique peut se manifester de diverses façons, notamment par le cyberharcèlement, les menaces en ligne, la diffusion non consensuelle d’images intimes ainsi que d’autres formes d’abus. En ce qui concerne les auteurs de ces actes, le HCP indique que «cette forme de violence est dans 73% des cas le fait d’un homme inconnu. Le reste des cas de cyberviolence revient, à parts égales, à près de 4%, à des personnes ayant un lien avec la victime, notamment le partenaire, un membre de la famille, un collègue de travail, une personne dans le cadre des études ou un ami».

Il est à rappeler que le cadre juridique marocain a introduit des dispositions spécifiques pour lutter contre la diffusion non consensuelle d’images intimes et d’autres formes de violence. En l'occurrence, l’article 447-2 du Code pénal marocain stipule que : «Quiconque, par quelque moyen que ce soit, y compris les systèmes d’information, diffuse ou distribue une composition consistant en une déclaration ou une image, sans le consentement de la personne concernée, est puni d’un emprisonnement de un à trois ans et d’une amende de 2.000 à 20.000 dirhams.»

Un état de détresse psychologique

Force est de constater que ces agissements ont des impacts dévastateurs sur la santé mentale et le bien-être des victimes, contribuant à des sentiments d'anxiété, de peur, et parfois de désespoir. «Les femmes représentent une population vulnérable en termes de cyberharcèlement. D’abord, parce que la société a souvent tendance à blâmer les victimes pour s’être mises dans une situation de harcèlement. Ensuite, parce que le fait que la valeur humaine d’une femme soit analysée sous le prisme de la virginité ouvre la voie au chantage et à l’extorsion.

Les cyberharceleurs n’hésitent pas à menacer de diffuser des montages sexualisés à partir d’une simple photo d’identité (des deepfakes) si la victime n’envoie pas plus de contenu et/ou de l’argent», nous explique Ghizlane Ziad, psychologue clinicienne spécialisée en pathologie clinique et clinique sociale. La spécialiste juge que le cyberharcèlement a un impact considérable sur le psychisme car la menace est floue et anxiogène. La victime peut ainsi se poser mille et une questions (Où habite réellement le harceleur ? Qui est-il vraiment ? Quel est réellement son pouvoir de nuisance ? etc.).

«De ce fait, la perception du danger est amplifiée et peut aller jusqu’à paralyser le processus de pensée : la victime n’arrive plus à réfléchir de manière logique, ce qui est le signe d’un stress intense et d’un possible burnout. Des pensées parasites et obsessionnelles sont courantes car le cerveau, en stress, travaille à trouver une issue pour échapper à la menace qui vise l’intégrité psychique. La victime se sent dépossédée de son corps, de son libre-arbitre et de son estime d’elle-même. Elle se sent de plus en plus isolée et souvent un symptôme dépressif apparaît pour répondre au sentiment d’isolement, d’impuissance et d’injustice. Un repli sur soi est à noter, ainsi que des troubles du sommeil (hypersomnie ou insomnie) et des troubles de l’alimentation, car la personne ne trouve plus d’intérêt ou de joie à vivre», fait savoir Ghizlane Ziad.

Malheureusement, ce que beaucoup de personnes ignorent, c’est que les conséquences du cyberharcèlement peuvent être fatales. Il arrive parfois que les victimes en arrivent à des tentatives de suicide. «En effet, quand la victime se sent complètement coincée et isolée, la mort devient alors la seule issue», précise l’experte. Dans le dessein de s’attaquer à ce fléau, le gouvernement organise des conférences et des débats sur la thématique de la violence numérique, et mène également des campagnes de sensibilisation pour favoriser une réelle prise de conscience.

Les recommandations d’une psy

Pour mieux se protéger contre les différentes formes de violence numérique et se préserver psychiquement, la psychologue Ghizlane Ziad recommande de ne pas «faire confiance aveuglément, car la bonne foi n’est pas toujours le paramétrage par défaut, et de garder à l’esprit que tout ce qui est envoyé peut être partagé. Pour se protéger, il faut être inattaquable et, pour ce faire, il faut penser, conscientiser les choses. Il s’agira donc d’apprendre à mesurer les risques lorsque l’on se met dans une position de vulnérabilité».

Ziad estime également que le fait d’apprendre à s’écouter demeure primordial. «On ne ressent jamais un malaise, un inconfort, gratuitement, dans le vide. Un sentiment de malaise, un inconfort est à comprendre comme une alarme. Il faut l’entendre et agir en conséquence : marquer un stop et analyser la situation pour comprendre pourquoi le cerveau perçoit un danger au point d’envoyer des signaux de détresse. Il ne faut pas hésiter non plus à partager son inconfort. Cela permet d’exprimer ses émotions (et une émotion est toujours légitime), de s’entendre poser une limite mais surtout de voir le comportement de l’autre en face.» Libérer la parole des victimes ne peut que servir cette cause de manière plus efficace. «Le pouvoir des cyberharceleurs repose souvent sur la docilité de la victime terrorisée et sur du bluff. Il faut donc briser le silence et l’isolement», insiste Ghizlane Ziad. 

 

 

 

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