Le Maroc fait actuellement figure d’exception dans le monde dans la gestion de la pandémie.
Il reste parmi les rares pays à avoir complètement bouclé ses frontières. Et ce, au moment où plusieurs pays sont en train d’assouplir les restrictions malgré la vague Omicron.
Le Maroc n’autorise même plus ses ressortissants bloqués à l’étranger et les étrangers résidents à revenir au pays.
Sa stratégie est même plus radicale que celle appliquée au Japon où, malgré la fermeture des frontières, les Japonais et les étrangers ayant un statut de résident peuvent accéder au territoire, à condition d’observer une quarantaine stricte.
Aujourd’hui pourtant, de plus en plus de pays sont en train d’alléger les restrictions mises en place face à la vague Omicron.
France, Belgique, Danemark, Royaume-Uni, Suisse , Finlande, Israël…, tous ces pays durement touchés par la hausse exponentielle des cas de contamination ont lâché du lest. Même l’Union européenne a rouvert ses frontières aux voyageurs des pays d’Afrique australe (Botswana, Eswatini, Lesotho, Mozambique, Namibie, Afrique du Sud et Zimbabwe), qui s’étaient vu interdire l’accès à plusieurs pays (dont le Maroc) dès l’apparition du variant Omicron.
Stratégie réadaptée
Après l’inquiétude suscitée par le variant Omicron, l’heure est plutôt à l’optimisme. Partout dans le monde, les gouvernements réadaptent leur stratégie de gestion de la pandémie, à l’aune des données encourageantes fournies par Omicron : il est certes plus contagieux, mais beaucoup moins dangereux que Delta, s’apparentant davantage à une sévère grippe. Avec moins de risques d’hospitalisation, de cas graves et de décès.
Alors pourquoi le Maroc reste-t-il rigide dans cette phase de gestion de la pandémie ?
Il faut savoir que le choix de se mettre sous cloche pouvait amplement se justifier au tout début de l’apparition d’Omicron et face au manque de données par rapport à ce variant.
Au nom du principe de précaution, cette approche devait permettre de retarder au maximum l’apparition d’Omicron sur le territoire national - le temps d’en savoir davantage et de se préparer en conséquence - et de freiner sa propagation.
Mais la rapidité avec laquelle avait été décidée la fermeture des frontières ressemblait d’ailleurs à une vaine tentative des autorités de bloquer l’arrivée d’Omicron au Maroc.
Car, dès le 29 novembre, elles suspendaient tous les vols directs à destination du Royaume, soit cinq jours après que ce variant a été signalé pour la première fois à l’Organisation mondiale de la santé en Afrique du Sud.
Pourtant, le 15 décembre, alors que le Royaume s’était bunkérisé, un premier cas d’Omicron a été détecté à Casablanca chez une jeune femme qui n’était pas en voyage à l’étranger.
Depuis, le virus s’est littéralement propagé dans le Royaume, avec un pic de plus de 8.500 contaminations vendredi, dans un pays où l’on se teste de moins en moins.
Données sanitaires
Actuellement, y a-t-il une logique sanitaire à maintenir les frontières fermées jusqu’au 31 janvier 2022, d’autant que le variant Omicron est déjà dominant au Maroc ?
L’on convient que les indicateurs sanitaires se sont détériorés depuis l’apparition d’Omicron, notamment le taux de reproduction du virus, le taux de positivité, le nombre de cas…
De même, entre le 15 décembre (221 nouveaux cas), date de la détection du premier cas Omicron au Maroc, et le 17 janvier (3.177 cas), le taux d’occupation des lits de réanimation Covid-19 est passé de 1,9% à 9,3%.
Les tensions hospitalières ont certes augmenté, mais cette 3ème vague n'a pas conduit à une saturation du système de santé comme on pouvait le craindre initialement.
Mieux encore, Omicron, couplée à la vaccination, pourrait être un tremplin rapide vers l’immunité collective.
«En fait, Omicron pourrait, et j’insiste sur le conditionnel, devenir une sorte de quatrième dose pour booster notre système immunitaire et nous protéger même contre d’autres variants qui pourraient apparaître ultérieurement. Je crois que si, aujourd’hui, nous maintenons la stratégie vaccinale et la présence de l’Omicron en importance dans une population, le niveau de protection sera élevé et il y aura une forme d’immunité acquise post-vaccinale et post-infection réunies», souligne le Pr Jaafar Heikel, épidémiologiste et spécialiste des maladies infectieuses (www.fnh.ma).
Dès lors, rien n’empêche une reprise des liaisons aériennes avec un contrôle strict de l’accès au territoire marocain, accompagné si besoin de mesures d’isolement.
Cela permettra de faire d’une pierre deux coups : d’abord, répondre au souci des autorités d’éviter d’avoir un système de santé submergé; ensuite, apporter une double réponse économique et sociale aux opérateurs touristiques qui souffrent et à la détresse de tous ceux qui sont bloqués à l’étranger.
«La fermeture des frontières doit être une mesure transitoire qui va freiner, au début, l’entrée du virus dans un territoire donné, mais elle ne peut en aucun cas empêcher sa diffusion», confirme Heikel.
En réalité, la menace éventuelle qui pèse sur le système de santé ne vient pas d’ailleurs, notamment des compatriotes et des étrangers résidant au Maroc qui ne peuvent retrouver leurs familles pour l’instant, encore moins du touriste qui a envie d’aller visiter Ouarzazate.
Le premier ennemi de notre système de santé, c’est nous-mêmes, à travers notre comportement quotidien et le respect des mesures barrières édictées.
Le Dr Tayeb Hamdi ne dit pas autre chose. Dans une petite analyse publiée sur les réseaux sociaux, il souligne que «l'accès au territoire national de citoyens marocains ou d’étrangers complètement vaccinés et munis d'une attestation PCR négative, est moins risqué sur le plan épidémiologique que le comportement de personnes non vaccinées ou qui le sont incomplètement, qui n'adhèrent pas aux mesures préventives, qui se retrouvent dans des cafés et des rassemblements publics ou privés, ou qui présentent des symptômes et ne se font pas tester, et qui sont positives ou contacts et ne respectent nullement la durée et les conditions de l'isolement».
«(…) Il serait souhaitable d’envisager l’ouverture de ces frontières conformément à notre approche marocaine réussie, proactive et anticipative, basée sur la prise de décisions s’appuyant sur les données scientifiques pour protéger les citoyens et le Maroc avec le moins d’impact possible et de dommages sociaux, psychologiques, éducatifs et économiques», ajoute-t-il.
Sous ce rapport, il semble plus que jamais important, à la lumière de l’impact sanitaire actuel d’Omicron au Maroc, que le gouvernement mette sur la balance, d’un côté, le gain sanitaire de la fermeture des frontières et, de l’autre, les coûts économique et social de cette mesure. Il ne peut rester figé sur sa ligne de conduite quand l’évolution de la pandémie exige des ajustements continus.
Et puis, que risque vraiment le gouvernement ? Le ministre de la Santé, Khalid Ait Taleb, n’a-t-il pas rassuré les Marocains en affirmant, le 27 décembre dernier au Parlement, qu’«en cas de revers épidémique, le système de santé est paré pour faire face au nouveau variant, que ce soit en termes de capacité hospitalière, de réanimation, ou de matériel nécessaire» ?
D. William