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Manifestations Gen Z au Maroc: Discord et Telegram, les nouvelles places publiques de la jeunesse

Manifestations Gen Z au Maroc: Discord et Telegram, les nouvelles places publiques de la jeunesse

Le week-end dernier, plusieurs milliers de jeunes se sont mobilisés dans plusieurs villes du Maroc pour réclamer des réformes dans l’éducation et la santé publique.

Ces mobilisations prennent place au sein d’une génération qui représente près de 8,2 millions de Marocains âgés de 15 à 29 ans, et qui invente ses propres modes d’organisation : Discord et Telegram sont devenus leurs nouvelles places publiques, au-delà des cortèges et des interpellations.

Le collectif GenZ 212, à l’origine de ces rassemblements, a utilisé Discord pour créer un serveur structuré autour de plusieurs canaux thématiques : éducation, santé, lutte contre la corruption. Chaque canal fonctionne comme un mini-forum, où les membres échangent des infos, partagent des conseils et planifient les actions.

Telegram, plus direct, sert à diffuser instantanément les annonces : horaires, changements d’itinéraires, consignes de participation. Sur certains groupes, les notifications rappellent même de porter des vêtements noirs ou de venir avec une pancarte. Au moment de la mobilisation, le serveur comptait près de 87 000 membres, un nombre symbolique qui montre l’ampleur du réseau, même si tous ne participent pas physiquement aux rassemblements.

Cette génération communique avec ses codes : emojis et références à One Piece, mèmes tirés de jeux vidéo ou de séries populaires, gifs animés… L’humour et la pop culture deviennent des armes pour mobiliser et renforcer le sentiment de communauté. Parmi 1 500 membres actifs sur Discord, près de 400 ont rejoint les rassemblements physiques, ce qui traduit un taux de conversion intéressant entre action virtuelle et engagement réel.

Les chiffres témoignent de l’impact du numérique sur la mobilisation sociale. Selon des études sociologiques comparables, au Népal ou en Amérique latine, 20 à 30 % des abonnés d’un canal en ligne participent ensuite à des actions physiques. Au Maroc, GenZ 212 montre que les plateformes numériques peuvent soutenir l’organisation collective, même si la participation effective reste limitée à une fraction du réseau.

Les discussions sur Discord et Telegram ne se limitent pas à l’organisation pratique. Elles permettent aussi de débattre des revendications, d’échanger des chiffres et des données : sur le manque de manuels scolaires, le ratio élèves/enseignant, les hôpitaux en sous-effectif ou les budgets alloués à la santé. Les participants s’approprient ainsi une forme de micro-journalisme, où les infos circulent de manière directe et transparente, et où chacun peut contribuer à documenter la réalité sociale.

« On ne demande rien d’extraordinaire, juste pouvoir étudier correctement et être soignés quand on tombe malade », confie Yassine, 23 ans, présent à Casablanca. « On utilise des mèmes, des gifs et des références à la pop culture pour créer un langage commun. Ça nous rassemble autant que nos revendications », explique une participante.

Mais cette organisation horizontale et décentralisée n’est pas sans zones d’ombre. Les autorités s’inquiètent d’éventuelles dérives liées à l’anonymat de ces plateformes, où des messages d’incitation à l’escalade pourraient facilement circuler. Le collectif insiste sur le caractère pacifique de son action, mais l’absence d’encadrement clair et la possibilité d’infiltration par des acteurs extérieurs soulèvent des questions légitimes.

Cette mobilisation est aussi culturelle. Des références à des mangas créent des codes partagés, qui servent autant à fédérer qu’à signaler l’appartenance au mouvement. Le collectif prend soin de rappeler que la violence est proscrite, et que les actions doivent rester pacifiques, même si des interventions policières fermes ont été constatées sur le terrain.

Aujourd’hui, les marches se poursuivent sous forme d’appels quotidiens sur Discord et Telegram, et les plateformes restent des lieux actifs de discussion et de préparation. GenZ 212 continue d’y organiser des discussions, d’y publier des analyses et de préparer des actions futures.

La génération Z démontre ainsi sa capacité à transformer le numérique en levier social, en créant des espaces sécurisés pour débattre, s’organiser et agir. « Sur Discord, on peut tout préparer, partager des infos et se retrouver sans se faire repérer. Telegram, c’est le signal rapide. Ensemble, ça nous donne une vraie force », explique un membre du collectif.

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