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Assises nationales de la publicité : Une réflexion collective pour structurer le secteur

Assises nationales de la publicité : Une réflexion collective pour structurer le secteur

À l’heure où le paysage médiatique et numérique connaît de profondes mutations, le Maroc engage une réflexion inédite sur l’avenir de son secteur publicitaire.

Organisées les 8 et 9 octobre 2025 à Casablanca, les premières Assises nationales de la publicité réunissent institutions, agences, annonceurs, médias, experts juridiques et acteurs du digital autour d’un objectif commun : celui de doter le secteur d’un cadre structuré, cohérent et adapté aux enjeux actuels. 

Placée sous le thème « État des lieux et perspectives », cette rencontre d’envergure vise à dresser un diagnostic, identifier les défis, qu’ils soient juridiques, économiques, numériques ou éthiques, et à faire émerger des pistes de réforme concrètes.

Bien que la publicité joue un rôle central dans le financement des médias et la vitalité de la création locale, le Maroc ne dispose toujours pas d’une loi spécifique encadrant ce secteur. Les textes existants, parfois dépassés, peinent à répondre aux nouveaux usages, notamment dans l’univers numérique. Ces Assises marquent ainsi une étape décisive pour jeter les bases d’un secteur plus structuré, mieux régulé et aligné sur les standards internationaux.

La journée du 8 octobre a été articulée autour de plusieurs panels, dont un consacré à la «fiscalité et les équilibres économiques» et modéré par Fatima-Zahra Ouriaghli, Directrice générale et responsable de publication de Finances News Hebdo. Les échanges ont mis en lumière les distorsions fiscales existantes, l’urgence d’un cadre équitable et le besoin d’adaptation face aux transformations numériques rapides.

 

Une fiscalité à repenser 

Aissam Fathiya, président de la Commission relations institutionnelles de l’Union des agences conseil en communication (UACC), a alerté sur la fragilité du secteur, qu’il qualifie de jeune.

«Une réflexion collective s’impose aujourd’hui. La contribution du secteur reste marginale, représentant à peine 1% du PIB. Nous avons un corps malade, et c’est tout l’écosystème de la communication, des médias, des agences et des annonceurs qui est concerné», a-t-il affirmé. Il dénonce toutefois un système fiscal inégal, incapable de faire face à la montée en puissance des géants du web.

«Aujourd’hui, deux annonceurs sur trois investissent directement via les GAFAM, pour près de 200 millions de dollars, sans réelle retombée sur le marché local. Pourquoi ? Parce que nos mesures fiscales ne sont pas incitatives. Une PME peut-elle supporter une TVA de 20% ? Je ne le pense pas. Peut-elle supporter une taxe écran de 5% ? Encore moins. Par contre, cette même PME peut, avec 5 dollars, lancer une campagne sur Facebook. Et dès qu’on y goûte, ces 5 dollars deviennent 500.000», a-t-il souligné. 

Cette réalité est confirmée par Mounir Jazouli, vice-président Afrique de la Fédération mondiale des annonceurs, qui appelle à agir sans pour autant perdre espoir.

«En effet, il y a des difficultés, mais il y a aussi des leviers à activer. Nous devons élargir la base des annonceurs, renforcer les écosystèmes locaux comme les agences, médias, marques…. Aujourd’hui, avec un marché de 6 à 7 milliards de dirhams d’investissement, c’est insuffisant pour faire face à la concurrence des géants mondiaux», a-t-il précisé. 

Et de poursuivre : « Ne noircissons pas trop le tableau. Nous avons des atouts uniques dans le monde arabe et africain, comme notre système de mesure d’audience. Mais une grande partie de l’investissement digital échappe à toute traçabilité, sans transparence ni outil de suivi. Le véritable défi est de concilier tous ces éléments pour construire une vraie industrie publicitaire».

Un autre levier indispensable a été souligné, cette fois-ci par Abdelkader Boukhriss, président du cabinet de Conseil fiscalité (SFM). Selon lui,«il faut commencer par une chose simple : une étude sectorielle sérieuse. Aujourd’hui, nous ne disposons d’aucune base de données fiable sur le marché de la publicité. Une telle étude permettrait non seulement de mieux comprendre les dynamiques du secteur, mais aussi d’aider l’État à adapter sa régulation, à anticiper les évolutions et à proposer des mesures adaptées».

Il insiste aussi sur la dimension stratégique du secteur. «La publicité, au-delà de la promotion des produits, joue un rôle de stimulation de la demande, de création d’emplois et constitue une source majeure de financement pour les médias. Si rien n’est fait, le secteur continuera à décliner, la base fiscale s’érodera et l’État perdra une ressource importante. À l’inverse, une reconnaissance de son caractère stratégique pourrait justifier des avantages fiscaux, des aides ciblées et une vraie politique de soutien», assure-t-il. 

Les échanges ont mis en lumière la nécessité de reconnaître la publicité comme un secteur économique à part entière. Parmi les principales recommandations :

-Reconnaître la publicité comme un vrai secteur économique à part entière et dont l'importance est capitale.

-Mettre en place une charte nationale de l’investissement publicitaire.

-Créer un système national de mesure d’audience qui soit fiable avec des reportings réguliers et précis.

-Élargir la base des annonceurs, surtout parmi les PME.

-Lancer une plateforme commune de médias marocains premium.

-Adapter la fiscalité à l’ère numérique.

-Réaliser une étude nationale sur le marché publicitaire.

-Renforcer le rôle de l’État dans la régulation et la valorisation locale.

-Renforcer la vigilance de l’Office des Changes sur les flux publicitaires sortants.

-Revoir la taxe de 5 %, jugée inefficace et pénalisante pour les acteurs locaux.

-Encourager le réinvestissement des budgets publicitaires au Maroc.

-Favoriser la production locale de contenus et de campagnes.

-Mettre en place des contrôles transparents sur les paiements aux plateformes étrangères.

Au-delà de l’exercice de concertation, ces Assises pourraient bien marquer le point de départ d’une transformation stratégique visant à faire de la publicité un véritable levier de croissance pour le Maroc.

L’enjeu est de faire émerger une vision commune pour réconcilier équité et développement dans un secteur en pleine mutation.

 

I.Z

 

 

 

 

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