Le secteur du tourisme, poumon de l’économie marocaine, semble reprendre des couleurs. La reprise qui se poursuit doucement mais sûrement, laisse présager une ascension vers des niveaux pré pandémiques.
Par Malak Boukhari.
Selon les chiffres dévoilés par le ministère du Tourisme, les arrivées touristiques ont atteint durant le mois de juin 2022 plus de 1.140.000 personnes, soit en croissance de 5% comparativement à juin 2019 ayant connu l’arrivée de 1.092.000 et de 235% par rapport à juin 2021.
Intervenant mardi 26 juillet en réponse à des questions orales à la Chambre des conseillers, Fatima-Zahra Ammor, ministre du Tourisme, a affirmé que le nombre des touristes a quadruplé par rapport à la même période en 2021, et représente 63% du total d’arrivées enregistré en 2019. En effet, pour le seul mois de juin, le nombre des touristes a atteint 1,14 million soit une augmentation de 5% par rapport à 2019.
Cette croissance a été stimulée par l’afflux de 620.000 Marocains résidant à l’étranger (MRE) en juin, soit une hausse de 27% par rapport à juin 2019. D’après les prévisions du ministère du Tourisme, ces arrivées devraient connaître un pic dans le courant du mois d’août.
«La reprise s’installe petit à petit et les chiffres le confirment notamment avec une augmentation de plus de 5% des arrivées à fin juin suite à l’afflux massif des MRE. Un constat qui sera également appuyé par les statistiques qu’on attend pour fin juillet, parce qu’il s’agit du mois record pour le Maroc en termes de touristes internationaux en séjour et des MRE. Il est alors fort possible qu’on atteigne les deux millions d’arrivées dont 1,3 million de MRE et plus 600.000 voire 700.000 de touristes étrangers en séjour», souligne Zouhir Bouhout, expert en tourisme.
En ce qui concerne les recettes, celles-ci ont connu une hausse de 173% par rapport à 2021, avec un taux de récupération de 71% par rapport à 2019.
«La progression des recettes confirme aussi que nous sommes à plus de 27 milliards pour le premier semestre et d’ici la fin de l’année, nous allons peut-être pouvoir atteindre les 65 milliards. Idem pour les arrivées, nous pouvons nous attendre à un total avoisinant les 8-9 millions de touristes, et pour les nuitées, nous serons forcément aux alentours de 18 à 20 millions de nuitées. De manière générale, l’année 2022 sera conclue avec un score de 70% à 80% en termes d’arrivées et de nuitées et de 80 à 85% en termes de recettes en devises. Nous espérons que la reprise continuera pour 2023, et si nous maintenons cette dynamique, il est fort possible qu'on soit très proches des chiffres de 2019», précise l’expert.
Pour sa part, Mounir Aberkane, secrétaire général de la Fédération des agences de voyages et membre du Conseil d’administration de la CNT, soutient que malgré une nette augmentation par rapport à 2021, «les recettes touristiques restent inférieures de plus de 18,6% par rapport à celles à fin juin 2019. En toute logique, on ne pouvait pas s’attendre aux chiffres ou recettes de 2019 dès cette année. Au niveau des nuitées, il est à noter que le pourcentage de récupération à fin juin 2022 par rapport à fin juin 2019 est très faible et différent selon les marchés concernés. Le tourisme domestique a récupéré à hauteur de 80%. Le marché français, notre premier pays émetteur, n’a récupéré qu’à hauteur de 48%. Quant à l’Allemagne et la Chine, on est respectivement à 12% et 13% seulement».
Le tourisme interne contribue à grande échelle dans l’essor économique et social du pays. Il est donc nécessaire que les acteurs du secteur multiplient leurs efforts et mettent le paquet dans le dessein d’améliorer l’offre touristique nationale.
«Pour cet été 2022, je pense que le phénomène le plus important est les nouvelles unités qui ont été mises en service cet été à Taghazout et à Agadir. Elles sont venues renforcer l’offre touristique. En effet, on note une concentration des ouvertures au niveau de la station de Taghazout et je pense que cette année la ville d’Agadir connaîtra une progression très importante. Il est possible qu’elle affiche des scores proches de l’avant-pandémie 2019. C’est ce qui constitue peut-être une différence par rapport aux autres villes, mais globalement, elles ont toutes connu des progressions et nouveautés», explique Zouhir Bouhout.
De son côté, Mohamed Farissi, directeur d’une agence de voyages à Casablanca, soutient que «les touristes nationaux ont su tirer profit des avantages promotionnels mis à leur disposition par les agences de voyages, notamment en ce qui concerne les offres hôtelières avec des formules complètes».
Et de poursuivre : «Des packs de voyage à des prix compétitifs ont été lancés pour encourager le tourisme national au niveau des stations balnéaires, telles que Saïdia, Tanger, Agadir, Al Hoceima, et bien sûr Marrakech qui a toujours la cote auprès des touristes. Les formules contiennent des activités ludiques pour les enfants, ou encore musicales et de détente pour les familles.
En effet, la plupart des packs promotionnels concernent le tourisme en interne. Il y a eu également des sorties à l’étranger, avec les voyages organisés. Et le pays le plus prisé est la Turquie, car beaucoup de nos concitoyens n’ont pas renouvelé leurs visas Schengen. De ce fait, ils ont opté pour des pays sans visa ou qui jouissent d’une certaine flexibilité».
Selon la ministre du Tourisme, les derniers sondages réalisés font ressortir que 51% des touristes marocains préfèrent le tourisme balnéaire, 58% optent pour le voyage pendant les vacances scolaires et 60% pour le voyage en famille, tandis que 72% sont plus intéressés par le prix des prestations touristiques.
S’agissant des choix privilégiés par les touristes marocains et étrangers pendant cette période estivale, Zouhir Bouhout estime que «les préférences penchent du côté des villes côtières et des stations balnéaires, vu les dernières vagues de chaleur et les hautes températures. Les stations qui affichent complet sont Tanger, Tétouan, Agadir, El Jadida, et Essaouira.
A cela, on peut ajouter aussi la ville de Marrakech vu l’importance de l’offre. La ville ocre totalise à peu près 74.000 lits au Maroc, c’est presque le tiers de la capacité offerte pour le secteur du tourisme. Elle affiche aussi des taux d’occupation et des réservations très importantes. Elle est devenue incontournable surtout qu’elle offre des possibilités attrayantes comme à titre exemple le «all inclusive», les offres d’animation (Jamaa El fna) ainsi que la programmation d’excursions pouvant être faites au niveau d’Al Haouz et Ourika. Il y aura également une reprise très importante au niveau d’Agadir suite à l’ouverture d’hôtels et d’unités d’hébergement qui sont d’une très haute qualité et sont prisées par les touristes pendant la période de l’été».
Notons que plusieurs mesures ont été adoptées afin d’assurer une bonne dynamique touristique dont la dernière en date est celle du lancement officiel, le 10 juillet, par le gouvernement marocain du visa électronique visant à renforcer l'attractivité de la destination «Maroc» en sus de permettre d’exploiter un potentiel touristique énorme auprès des catégories ciblées.
Il y a eu également le lancement de campagnes par «l’Office national marocain du tourisme avec l’implication de la Confédération nationale du tourisme. Remplir les chambres d’hôtels de touristes étrangers implique aussi les sièges d'avion pourvus et les efforts fournis pour y parvenir. La CNT recommande un plan offensif pour doubler d'efforts en termes de connectivités aériennes, maritimes ainsi qu’une consolidation des relations avec les tours opérateurs pour une relance équitable des territoires», souligne Mounir Aberkane.
Et d’ajouter : «Toutes les régions n’ont pas profité de la même façon de la reprise. Dans ce sens, la CNT recommande un financement au niveau régional pour renforcer la compétitivité des acteurs et favoriser l’émergence de nouveaux écosystèmes. Ensuite, il est à signaler que les fondamentaux de tout le secteur touristique restent fragiles après deux années de crise. En parallèle, le potentiel demeure sous-exploité. Dans ce sens, nous recommandons, pour stimuler la demande interne, d’inciter au voyage par la mise en place rapide de chèques voyages défiscalisés, et une régionalisation du calendrier des vacances scolaires. Enfin, il ne faut surtout pas oublier les risques exogènes liés à la géopolitique mondiale et à la sécheresse».
Pour permettre l’accélération de cette reprise, Zouhir Bouhout recommande de miser sur le développement de trois axes majeurs qu’il décrit comme étant le trio gagnant. Il s’agit notamment de l’aérien, l’investissement et la formation.
«Il faut un vrai renforcement de l’aérien et puis pour le tourisme interne, il est primordial de revoir la stratégie des stations destinées aux Marocains en fonction de leur pouvoir d’achat. Il est également impératif de renforcer les investissements pour le moyen terme parce que nous sommes encore loin des efforts fournis par nos concurrents dans ce sens. Il faudrait aussi insister sur la formation parce qu’il y a eu la reconversion du personnel vers d’autres secteurs à cause de la crise due à la pandémie», conclut-il.