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Gouvernance publique : Pourquoi il faut changer de grammaire politique

Gouvernance publique : Pourquoi il faut changer de grammaire politique

Dans un discours empreint de lucidité et d’autorité, le Roi Mohammed VI a invité les responsables politiques à rompre avec la routine et à se hisser à la hauteur des attentes du peuple. Face à une jeunesse connectée, exigeante et désenchantée, le Souverain trace la voie d’une gouvernance rénovée, fondée sur la justice sociale, la responsabilité et l’efficacité.

 

Par F. Ouriaghli

Vendredi 10 octobre, le Roi Mohammed VI a, du haut de la tribune du Parlement, adressé aux élus de la Nation une feuille de route claire et presque solennelle : le Maroc doit changer de rythme. Il faut une gouvernance publique à la hauteur des enjeux actuels.

Ce message intervient dans un contexte marqué par la mobilisation de la GenZ 212, un collectif de jeunes nés à l’ère du numérique et portés par un sens aigu de la justice sociale. Ce mouvement de la jeunesse, inédit dans sa forme, n’est ni structuré politiquement ni encadré par les forces traditionnelles. Formé dans l’angle mort des politiques publiques, il ne réclame pas la chute d’un système, mais l’écoute et la dignité.

Dans son approche, on retrouve la fatigue d’une génération qui a grandi au rythme des promesses non tenues : celles d’un système éducatif déficient, d’un hôpital sous perfusion, d’un marché du travail exigu et d’une classe politique souvent absente du terrain.

Ses revendications, le Roi semble les avoir entendues. En effet, son discours d’ouverture de la session parlementaire est un appel à la responsabilité collective, mais surtout un rappel à l’ordre adressé à ceux qui gouvernent et représentent le peuple. Certes, le Souverain n’a pas évoqué directement la contestation sociale, mais il en a épousé l’esprit. Il a rappelé l’essentiel : «il ne devrait y avoir ni antinomie ni rivalité entre les grands projets nationaux et les programmes sociaux, tant que le but recherché est de développer le pays et d’améliorer les conditions de vie des citoyens, où qu’ils soient».

Cette phrase, anodine pour certains, est en réalité un diagnostic politique : le Maroc souffre de cette fracture entre le béton et l’humain. Entre les grands chantiers et la petite vie quotidienne. Les infrastructures poussent et les zones industrielles se multiplient, mais la perception populaire reste celle d’un développement qui se fait sans toujours inclure. Les tensions sociales actuelles illustrent parfaitement cette dichotomie.

Dans un pays où le digital a bouleversé la relation entre gouvernants et gouvernés, la jeunesse a trouvé sa voix et son écho en dehors des institutions. Le collectif GenZ 212 exprime ce que beaucoup taisent : le sentiment d’abandon et l’exigence d’efficacité. Le Roi, dans sa vision, n’ignore pas cette réalité. Depuis plusieurs années, il appelle à la refondation du modèle de développement et à une approche fondée sur la justice sociale et territoriale. Il l’a rappelé sans ambiguïté dans son discours.

«Le diptyque 'justice sociale et lutte contre les inégalités territoriales' est loin d’être un slogan creux ou une priorité conjoncturelle dont l’importance pourrait décliner au gré des circonstances. Nous le considérons plutôt comme une orientation stratégique qui requiert l’engagement de tous les acteurs…», a-t-il affirmé. Ce rappel, dans ce contexte que traverse le Royaume, prend la forme d’un avertissement : le temps des réformes différées ou sans impact visible est terminé, car la patience populaire s’effrite. Le ton royal n’est ni alarmiste ni accusateur. Il est lucide.

En insistant sur la dernière année de la législature, le Souverain a placé le gouvernement et le Parlement devant leurs responsabilités historiques. Cette année ne sera pas un simple exercice budgétaire; elle sera un test politique et moral. Parce qu’il s’agit désormais de traduire la vision royale en actes concrets. La GenZ212 ne croit pas aux promesses et autres discours cosmétiques, mais plutôt aux résultats.

Le gouvernement doit donc repenser sa communication, non comme une opération de séduction, mais comme un exercice de pédagogie politique. Car le Roi a été clair : «une attention particulière doit être portée à l’encadrement des citoyens et à la communication autour des initiatives engagées par les pouvoirs publics, et des différentes lois et décisions, notamment celles ayant trait directement aux droits et aux libertés des citoyens». Cette injonction royale vise directement la fracture entre institutions et société.

Trop souvent, les politiques publiques sont élaborées dans le silence des bureaux, puis annoncées sans dialogue. Résultat: une incompréhension mutuelle, un sentiment d’indifférence et, aujourd’hui, une défiance assumée qui perdurera quelle que soit la qualité des réformes. Les élus, pour leur part, sont invités à sortir de leur bulle institutionnelle. Leur mission dépasse le vote des lois. Ils doivent redevenir des relais du terrain, parce que la politique, au sens noble, commence par l’écoute.

 

La jeunesse, moteur d’un Maroc en mutation

Le mouvement GenZ 212 n’est pas une menace. Il est le symbole d’une certaine vitalité démocratique et le reflet d’une mutation générationnelle profonde. Le Roi, en parlant de «mobiliser toutes les potentialités et faire prévaloir les intérêts supérieurs de la Nation», adresse implicitement un message à cette génération dont la Nation a vivement besoin.

A l’inverse, le gouvernement doit comprendre que la jeunesse n’est pas un problème à gérer, mais une énergie à canaliser. C’est dire que les tensions actuelles ne sont pas nées d’un rejet du système, mais d’un décalage entre les attentes sociales et le discours officiel. Dire que «tout va bien» est contre-productif. Reconnaître un retard ou les défaillances et préciser le correctif prévu, c’est crédible. Il revient donc au gouvernement d’apprendre une nouvelle grammaire politique : celle de l’efficacité, de la transparence et du résultat.

Le Roi a fixé le cap : un Maroc émergent, solidaire et équitable, fondé sur la justice sociale, la cohésion territoriale et la performance publique. Il ne s’agit dès lors plus de débattre, mais d’agir. Les réformes de l’éducation et de la santé doivent cesser d’être des chantiers permanents. L’économie doit cesser d’exclure ceux qui en sont la force vive. Et la politique doit redevenir crédible aux yeux de ceux qui n’y croient plus. 

 

 

 

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