Est-ce une fatalité ? Est-ce désormais la règle ? Les ramadans se suivent et la crise pèse chaque année plus lourd. Les fêtes s’annoncent pourtant -malgré le bonheur d’avoir vécu un mois de recueillement dans la résilience et la patience- avec une chape espèce de plomb qui plane sur les esprits.
Toujours ce satané mot de crise qui gâche la joie d’une large frange de la société marocaine qui avance dans l’inconnu. Le «Mabrouk l’Aïd» est aujourd’hui mâtiné d’un «Et tu arrives à tenir face à cette terrible crise ?».
C’est que les événements de l’année se succèdent et demandent tous de l’argent, des moyens et des dépenses de plus en plus grandes. Avec trois années de crise profonde, l’année scolaire saigne à blanc les familles, puis très vite arrive le ramadan, la fête d’Al Fitr, et juste après, il faut penser à la fête du mouton, puis les vacances d’été et en septembre, on remet le couvert pour un autre crédit en guise de bienvenue à la nouvelle rentrée.
Que de belles occasions de festoyer et d’oublier les soucis. Mais les réalités sont ce qu’elles sont. On a beau vouloir détourner le regard et faire contre mauvaise fortune bon cœur, les faits restent les faits. Il faut de l’argent pour assurer tout ceci. Mais l’argent manque. Il manque cruellement. Il manque à tous, il faut le dire.
Pandémie, crise financière mondiale, guerre opposant la Russie à l’Occident et à l’Otan, par Ukraine interposée, crise énergétique, manque de liquidité, manque d’opportunités, chômage forcé, cherté de la vie, les prix qui flambent, l’inflation, le pouvoir d’achat en berne, l’équation est à plusieurs inconnues. Comment faire ? Malin qui nous le dira.
Pourtant, il faut bien vivre. Il faut bien avancer, coûte que coûte. Et c’est ce coût qui fait justement peur à beaucoup de monde. Certes, le Marocain est résilient. Certes, il est patient. Certes, il supporte. Certes, il en a vu pire. Mais, il faut aussi dire que quand ça atteint un tel degré de malaise, les choses deviennent dures à gérer et à expliquer. Parce que d’un côté, nous sommes conscients des efforts déployés par le pays pour juguler les effets de cette crise à multiples facteurs et qui ne dépend pas de nous, mais d’une conjoncture mondiale pour le moins «dégueulasse».
De l’autre, il faut payer son repas du jour. Il faut payer l’école des enfants. Il faut payer son loyer. Il faut payer l’eau et l’électricité. Il faut payer les hydrocarbures. Il faut payer les crédits. Et surtout, il faut s’arranger avec son corps pour ne jamais tomber malade ! Il ne manque plus que ça ! Encore les sortir, sonnantes et trébuchantes, pour aller payer monsieur le toubib ou déposer un chèque de garantie dans une clinique. Autant trouver un deal avec sa santé pour qu’elle nous épargne d’autres frais que nous n’avons pas.
D’un autre côté, il faut encore serrer la ceinture. Cette même ceinture qui nous sangle par tous les côtés, jusqu’à nouvel ordre. Parce que parfois, comme dirait le sage, il faut juste le vouloir. Cela relève de l’autosuggestion. On va se dire qu’on va y arriver, et on finira bien par arriver quelque part. Mais avant cela, passons une bonne fête. Célébrons la fin de ce magnifique mois de ramadan et préparons-nous au mouton qui va nous faire notre fête !
D’ici là, Aid Moubarak à tous.
Abdelhak Najib
Écrivain-journaliste