Une extorsion, des accusations de sorcellerie et deux frères de chaque côté de la barre: la retentissante affaire de la séquestration en 2022 du footballeur Paul Pogba fera l'objet d'un procès devant le tribunal correctionnel de Paris pour six hommes, dont son frère Mathias Pogba.
Deux juges d'instruction parisiennes ont ordonné mardi le renvoi en procès de Mathias Pogba et de cinq connaissances et proches de Paul Pogba après deux ans d'investigations ayant secoué le monde du football, sur fond d'argent réclamé à un footballeur devenu star par un entourage resté dans l'ombre. Dans leur ordonnance, dont l'AFP a eu connaissance, les deux juges considèrent que ces cinq hommes ont organisé une réunion en banlieue parisienne le 19 mars 2022 pour "contraindre" le joueur à leur donner de l'argent, sur fond de "relations anciennes du groupe, teintées d'intérêts financiers".
Lors d'une confrontation, Paul Pogba a expliqué qu'il avait auparavant aidé "volontairement" ces proches, y compris financièrement, mais avait en revanche refusé, en septembre 2021, de donner sept millions d'euros à trois d'entre eux, avant de prendre "ses distances". Quelques temps plus tard, ce 19 mars, la soirée commencée par un dîner en famille puis poursuivie par des retrouvailles avec certains de ses "amis" a définitivement basculé lorsque l'ex-international, depuis suspendu quatre ans pour dopage, avait été séquestré et braqué dans la nuit par deux hommes qui lui réclamaient 13 millions d'euros.
Les deux juges estiment qu'il ne "s'agissait pas, comme certains des mis en examen ont pu le soutenir, d'une simple réunion amicale mais bien de faits relevant de la loi pénale".
Si les 13 millions d'euros n'ont jamais été transférés, Paul Pogba a versé aux cinq proches près de 250.000 euros en argent et effets personnels. Durant l'enquête, les mis en cause ont développé selon les juges "une position commune" en "se prétendant victimes eux-mêmes des faits dont Paul Pogba est victime", en subissant "pressions et agressions" des deux commanditaires désignés, que l'enquête n'a pu identifier.
"La présence" de ces deux hommes "n'est pas contestée", soulignent les juges, et "il est plausible qu'ils aient pu ultérieurement exercer des pressions sur les personnes leur ayant proposé cette opportunité financière" liée à Paul Pogba. Mais "les mis en examen n'ont pas prévenu les autorités compétentes et ont préféré gérer ces événements en privé, selon des moyens pénalement répréhensibles", déplorent les magistrats. L'un des principaux mis en cause, Roushdane K., aurait d'ailleurs "effacé des preuves" utiles pour identifier les deux mystérieux hommes.
Ces trois amis d'enfance et les deux anciennes connaissances du quartier où les Pogba ont grandi, à Roissy-en-Brie (Seine-et-Marne), seront donc principalement jugés pour extorsion, séquestration et association de malfaiteurs délictuelle. L'un d'entre eux est en détention.
Dans un souci de "bonne administration de la justice", et avec "l'accord de la partie civile", les juges d'instruction ont abandonné les qualifications criminelles. "Suite à nos observations détaillées, nous espérions un non-lieu total. Nous n'avons été suivis qu'en partie. Nous nous battrons donc pour convaincre le tribunal de prononcer une relaxe totale" a réagi Me Saïd Harir, avocat de Boubacar C., ami d'enfance de Paul. Les autres avocats au dossier n'ont pas répondu à l'AFP.
Mathias, absent cette nuit-là et qui a découvert la séquestration bien après, sera lui jugé pour tentative d'extorsion et association de malfaiteurs délictuelle, soupçonné d'avoir a posteriori "commis des pressions contre son frère Paul et contre sa famille afin de s'assurer du paiement de la somme de 13 millions d'euros".
Le frère s'est défendu en indiquant avoir eu peur pour sa sécurité et celle de ses proches, puis indiqué aux juges en janvier avoir été manipulé par les autres suspects, et espérer rapidement se réconcilier avec son cadet.
D'après l'enquête, il nourrissait au long cours "une piètre opinion" de son frère et une "rancoeur particulière notamment concernant la gestion et la répartition de sa fortune à l'égard de la famille".
L'affaire était devenue publique, tournant au drame familial, quand Mathias, également ex-footballeur, avait publié à l'été 2022 des vidéos incriminant son cadet qu'il accusait de les avoir "abandonnés".
Dans l'une de ces vidéos, il accusait aussi l'ex-joueur de la Juventus d'avoir tenté de marabouter son coéquipier en sélection Kylian Mbappé.
(AFP)