On l’attendait beaucoup sur le report sine die du passage d’un régime de change fixe à un régime de change flexible décidé par le gouvernement marocain. Et il s’est enfin expliqué. Lors du point de presse tenu ce mardi à l’issue du Conseil de Bank Al-Maghrib (BAM), le gouverneur de la Banque centrale, Abdellatif Jouahri, a tenu à clarifier quelques points.
Selon lui, il n’y a pas eu d’empiètement dans les prérogatives de BAM. «La décision (politique, ndlr) de migrer vers un régime de change flexible revient au gouvernement. Tout l’aspect technique, la préparation notamment, revenait à la Banque centrale qui s’est acquittée de sa mission», précise-t-il d’emblée, non sans ajouter qu’«on peut percevoir positivement cette décision si le gouvernement l’a prise pour mieux apprécier les conséquences de la réforme et la soutenir, surtout qu’elle s’étale sur le long terme».
Sauf que lors de sa sortie télévisée fin juin dernier, à la veille de l’entrée en vigueur de la réforme, le chef du gouvernement, Saad Eddine El Othmani, avait justifié ce report par le fait qu’il fallait encore «étudier certains impacts». Le gouvernement a-t-il alors demandé par la suite à la Banque centrale de faire des études complémentaires ? «Non», rétorque Jouahri, qui se dit prêt à effectuer toutes les études nécessaires si on les lui demande.
Mais le fait même d’évoquer des études complémentaires paraît dénué de sens, car c'était implicitement avouer que le travail de BAM était incomplet. Or, selon la Banque centrale, tous les prérequis nécessaires pour entamer la réforme étaient réunis : la soutenabilité budgétaire, une inflation maîtrisée, des réserves de change à un niveau adéquat, un système bancaire solide, la modestie de l’élargissement de la bande de fluctuation du Dirham … Le tout complété par une démarche transparente, à travers les différentes réunions d’information (une vingtaine) tenues avec le patronat et les autres opérateurs. «Nous avons peut-être eu un peu de retard par rapport à notre communication vis-à-vis du grand public», reconnaît cependant Jouahri, tout en insistant sur la nécessité de cette réforme.
«Elle a un objectif précis : servir de levier aux réformes structurelles que le gouvernement doit mener, notamment afin de rendre l’économie marocaine beaucoup plus compétitive. Si nous voulons un autre modèle de développement économique, changer la structure du commerce extérieur, aller vers l’émergence, c’est vers ce genre de réformes qu’il faut aller. Nécessairement, nous allons devoir l’initier. Et le gouvernement devra dire ce que nous voulons faire», explique Jouahri.
Rappelons par ailleurs qu’au mois de juin dernier, peu avant l’entrée en vigueur de la réforme (finalement ajournée), des opérations de spéculation ont eu lieu sur le Dirham, certains opérateurs anticipant sa dévaluation, et ce malgré les garanties apportées à l’époque par la Banque centrale. «L’Office des changes est en train de mener une enquête pour détecter les opérations non conformes à la réglementation des changes», souligne le patron de BAM, informant au passage que «depuis le 8 août, les banques n’ont pas effectué d’achat de devises chez nous».■
D. W.