La sécheresse et la guerre en Ukraine ont mis au-devant de la scène la question de la souveraineté alimentaire nationale. Sous l’effet du stress hydrique, le Maroc sera contraint d’augmenter sensiblement ses importations de produits de base notamment le blé, les oléagineux et le sucre dont les cours ont fortement augmenté dépassant parfois le double. Cela devrait mettre à rude épreuve les avoirs en devises du Royaume et l’économie nationale.
L’actuelle saison sera l’une des campagnes les plus médiocres des 30 dernières années. Dans les meilleurs des cas, les récoltes de céréales ne dépasseraient pas les 20 millions de quintaux, d’où un recul de près de 80% par rapport à l’année précédente. Les répercussions se feront inévitablement sentir sur la croissance et sur d’autres secteurs.
Plusieurs enseignements doivent être tirés de cette crise sans précédent. Tout d’abord, la souveraineté alimentaire nationale est fortement fragile. Pour ses besoins vitaux, le Maroc dépend totalement l’étranger. Certains choix stratégiques développés dans le cadre du plan Maroc Vert commencent à générer des conséquences hasardeuses. Inciter les exploitants à la reconversion de la culture des céréales, des légumineuses et autres produits fortement demandés vers l’arboriculture et autres filières de niche a généré des effets pervers. L’exemple typique est celui de la région du Gharb qui a délaissé la culture des primeurs au profit des fruits rouges.
Actuellement, la région ne produit que très peu de tomates et beaucoup de fraises. Du coup, les prix des tomates ont sensiblement augmenté et ceux des fraises ont chuté, créant un fort déséquilibre du marché. Les scènes de pillage enregistrées dernièrement dans un souk hebdomadaire dans les environs de Sidi Kacem sont dues à une faible offre de tomates. Les commerçants ont profité de l’occasion pour doubler les prix, ce qui a généré la grogne des citoyens.
Dans la région de Zagora, plusieurs filières, dont la pastèque, qui n’ont aucun intérêt stratégique se sont développées, entraînant une surexploitation de la nappe phréatique et créant une forte pression sur les ressources hydriques. Les autorités ont commencé à restreindre les superficies de cette culture.
Concernant la politique de l’eau, le Maroc a également commis des erreurs stratégiques. Des investissements nécessaires n’ont pas été lancés. Résultat, plusieurs barrages sur l’oued Oum Rabii vers les régions du sud frôlent le tarissement. Le manque de pluies n’explique pas tout. En cause, l’usage d’une irrigation raisonnée n’a pas été généralisé.